jeudi 31 janvier 2008

La révolte des Canuts de 1831 (1)

Si la lecture du livre de Fernand Rude sur les révoltes canuts reste irremplaçable, il est particulièrement intéressant de connaître ce qu'ont écrit les rédacteurs de l'Echo de la Fabrique, le journal des tisseurs sur soie. Dans le numéro 5 du 27 novembre 1831, est publié ce texte :

"LYON. 21, 22 ET 23 NOVEMBRE
C'est le cœur navré et la tête couverte d'un crêpe pour le deuil de nos frères et de nos amis que nous allons rendre compte des événements qui se sont passés dans notre ville ; à Dieu ne plaise que nos larmes soient exclusives, elles seront pour tous ; et si l'égoïsme ou l’erreur de quelques hommes a entraîné cette cité dans des malheurs imprévus par eux, cette erreur a été expiée. Nous écrirons donc sans haine et sans passion. Oubli pour le passé, voilà ce que nous ne cesserons de proclamer, et nous rendrons compte de tous les faits avec calme, déplorant seulement que tant de sang, qu'un sang aussi pur, n'ait point été versé en défendant nos foyers pour la sainte cause de la patrie1.

Les chefs d'ateliers et les ouvriers voyant que le tarif n'était qu'une clause illusoire, que beaucoup de négocians ne voulaient point le reconnaître, et humiliés par quelques-uns qui ne prévoyaient point toutes les conséquences d'une conduite quelquefois répréhensible, se rassemblèrent à la Croix-Rousse le dimanche 20 novembre pour aviser au moyen d'obtenir une sanction définitive du tarif. Ils décidèrent que dès le lundi matin tous les métiers cesseraient de travailler, et que les ouvriers descendraient pour réclamer auprès de l'autorité l'exécution des clauses stipulées par MM. les membres des commissions des négocians et des chefs d'ateliers en présence de M. le préfet, de M. le maire, des membres de la chambre du commerce et du conseil des prud'hommes. La journée se passa ainsi assez tranquille, et personne ne prévoyait les scènes qui ont eu lieu.
Le lundi 21, dès le matin, quelques groupes s'étaient formés sur la place de la Croix-Rousse, ces groupes n'avaient aucun caractère hostile ; les ouvriers qui les composaient étaient sans armes et discutaient le moyen d'obtenir justice par la modération. Vers les dix heures un fort piquet de gardes-nationaux de la 1re légion se présenta sur la place de la Croix-Rousse, et au lieu d'employer la persuasion pour dissiper les groupes, il voulut employer la force ; on résista : le piquet croisa la baïonnette, mais bientôt entouré et désarmé en partie, il fut forcé à la retraite, poursuivi à coups de pierres ; ce premier acte de la force armée exaspéra les ouvriers. Depuis long-temps ils étaient menacés, on leur disait (et nous ne parlons point ici de l'autorité) qu'on recevrait leurs demandes à coups de fusils ; cependant aucune démarche hostile ne fut encore faite par eux, et vers les onze heures quelques groupes se mirent en marche se tenant par le bras, dans le dessein de se promener à Lyon comme au 25 octobre ; mais bientôt devait commencer une série de malheurs, malheurs incalculables qui devaient porter pendant trois jours la désolation dans notre ville. Des gardes-nationaux de la 1re légion, principalement des rues habitées par le commerce, s'étaient rassemblés dès le matin ; moins pacifiques que les ouvriers, ils s'étaient munis de cartouches et étaient décidés à les disperser par la force des armes. Ils étaient échelonnés depuis le bas de la Grande-Côte en longeant la rue des Capucins jusqu'à la place de la Croix-Pâquet ; ce fut vers les onze heures et demie que les ouvriers de la Croix-Rousse furent en vue du piquet établi dans la Cour du Soleil à la Grande-Côte ; là, sans aucune sommation, ils furent accueillis par une fusillade... Aveuglement inconcevable ! funeste initiative que le Précurseur a voulu pallier en laissant dans le doute de quel côté était venue l'agression. Dans cette première décharge huit ouvriers furent grièvement blessés ; ainsi surpris sans défense ils remontèrent la Grande-Côte en toute hâte et portèrent l'alarme dans la ville de la Croix-Rousse ; des cris aux armes ! se firent aussitôt entendre de toute part ; la population presque entière s'arma, on ne pensa qu'à la défense ; des barricades furent élevées sur tous les points, et les ouvriers qui dans l'imprévoyance de tels événement n'avaient songé à se procurer ni armes ni munitions, ne durent plus que se dévouer à la mort comme leurs frères.
Ce fut après cette première scène que M. le préfet et M. le général Ordonneau, commandant en chef la garde nationale, se rendirent à la Croix-Rousse pour juger par eux-mêmes et de la situation des esprits et des dangers qui semblaient vouloir menacer notre cité. Tandis que MM. le préfet et le général cherchaient à concilier les esprits, leur autorité était méconnue et une colonne de gardes nationaux et de troupes de ligne vinrent attaquer les barricades de la Croix-Rousse ; les assiégés se croyant trompés retinrent MM. le préfet et le général en otage. Ici, sans doute, le peuple aurait dû penser que le préfet était ce magistrat qu'il avait appelé son père, titre justement mérité, et que le général était étranger aux débats qui avaient lieu ; mais un peuple à la misère duquel on ne répond que par des feux de pelotons ne raisonne pas toujours juste. Cependant (et nous pouvons le dire sans craindre d'être démentis ni par le magistrat ni par le général) aucune insulte ne leur fut faite ; des ordres pacifiques étaient à chaque instant envoyés par eux, on n'en fit aucun cas. Alors un combat sanglant s'engagea entre la ligne, la garde-nationale et les ouvriers ; et les assaillants, combattant contre des hommes sans munition et la moitié sans armes, restèrent maîtres de toutes les positions qui dominent la place de la Croix-Rousse. La nuit mit enfin un terme au combat ; à huit heures du soir M. le préfet se présenta aux ouvriers sur la porte du Louvre, et après une allocution où se peignait l’ame généreuse du premier magistrat, il leur dit ces propres paroles : Ouvriers, écoutez-moi ! Si vous croyez un seul instant que j'aie trahi vos intérêts, gardez-moi en otage ; mais si vous croyez que je puisse vous être utile, laissez-moi retourner à mon administration. Ces paroles furent accueillies par des cris de vive le préfet ! Vive notre père ! Aussitôt une vingtaine d'hommes armés s'offrirent pour lui servir d'escorte, et il partit, accompagné par une foule attendrie qui répétait les cris de vive le préfet ! Vive le père des ouvriers ! Le général Ordonneau resta encore en otage et ne fut mis en liberté qu'à deux heures du matin, après avoir promis de faire cesser le feu.
Le mardi la fusillade recommença dans les rues qui aboutissent à la Croix-Rousse ; les ouvriers se voyant trompés d'après les promesses du général Ordonneau, sonnèrent le tocsin et firent battre la générale ; alors un combat acharné commença pour durer toute la journée. Pendant cette lutte sanglante féconde en traits de courage et de générosité, les ouvriers combattirent comme des héros, et, nous le répétons, il est à déplorer que tant de nobles actions n'aient point eu pour but le salut et la gloire de la patrie. Tandis que le combat était ainsi engagé, les ouvriers de la rue Tholozan et des rues adjacentes prirent aussi les armes et se portèrent vers la côte des Carmélites où montaient des troupes de ligne et quelques gardes nationaux ; des barricades furent élevées. Divers combats eurent lieu dans cette direction, dans la rue de l'Annonciade dominée par la place Rouville et la maison Brunet, où les ouvriers avaient pris position, à la côte des Carmélites et au Jardin des Plantes. Là une poignée d'hommes soutint le choc de plusieurs compagnies. Cette défense imprévue des ouvriers et maîtres de la rue Tholozan fit faire une diversion qui fut très utile aux ouvriers de la Croix-Rousse. Enfin le combat devint général ; la population ouvrière des Broteaux, de la Guillotière et de St-Just se mit en mouvement. Des barricades de planches et de madriers furent construites sur les quais de la Saône et du Rhône, sur les ponts de la Saône, dans les rues, etc. Vers les dix heures le général Roguet, qui avait fait établir une batterie sur le port St-Clair, pour empêcher le passage du pont Morand et du pont Lafayette, ordonna de tirer sur les Broteaux, d'où les ouvriers entretenaient un feu nourri, dirigé sur le quai du Rhône. Toute la ville fut bientôt un vaste champ de bataille ; pas un seul quartier qui n'eût son combat ; les rues étaient dépavées et une grêle de tuiles tombait sur les troupes de ligne. Les compagnies entières mettaient bas les armes, et les ouvriers étaient maîtres des casernes des Collinettes et de Serin. Enfin les troupes repoussées de partout ne songèrent qu'à la retraite.
Dans ces journées où l'on a calomnié les intentions, où l'on a voulu donner un but politique à ce qui n'était que la misère secouant ses haillons, un fait seul justifie la classe ouvrière. Dans un combat partiel qui se livra le mardi sur la place des Cordeliers, le peuple monté sur les toits lançait des pierres sur la troupe de ligne ; les soldats ayant mis bas les armes, les pierres ne cessaient de tomber, quand un homme, pour faire terminer le combat, sortit un mouchoir blanc et l'agita en signe de paix, en s'écriant à ceux qui étaient sur les toits : Cessez ! Cessez ! ils ont mis bas les armes ! Une grêle de pierres tomba de nouveau et tout le peuple se mit à crier : Cachez cette couleur ! Qu’elle disparaisse ! Nous n’en voulons point !
Le soir, les forces militaires, et ce qui restait de la garde nationale en armes étaient resserrés sur la place des Terreaux et dans l'Hôtel-de-Ville où se trouvaient réunies les autorités de la Lyon et du département.
Après une journée de mort, la nuit devait être affreuse. Le feu avait pourtant cessé, mais les rues étaient jonchées de cadavres, et la désolation était dans tous les cœurs.
Le mercredi, à deux heures du matin, deux détachements d'ouvriers s'emparèrent de la poudrière et de l'arsenal. C'est à cette même heure qu'une alarme générale se répandit dans tous les quartiers. Les autorités civiles décidèrent M. le général Roguet à quitter la ville avec les troupes qu'il commandait, et qui se composaient du 66e et de plusieurs bataillons des 40e et 13e de ligne. Les ouvriers avaient un poste à la barrière de St-Clair, qui tenta d'arrêter la colonne en retraite. Une décharge générale fut faite par la ligne, le poste se replia et le général passa avec sa colonne ; mais arrivée le long du quai d’Herbouville, elle fut accompagnée par des feux et une grêle de tuiles jusqu'au bout du faubourg de Bresse où, se croyant toujours poursuivie, elle tira quelques coups de canon à mitraille. La nuit était obscure, on entendait des feux nourris qui se mêlaient aux cris aux armes ! Et au tocsin que sonnaient presque toutes les cloches. Ce fut la dernière scène de ce drame épouvantable, drame affreux où le sang français a été versé à flots, où des concitoyens se sont déchirés entre eux… Ah ! Que n'est-il en notre pouvoir de jeter un voile sur tant d'erreurs ! Que n'est-il en notre pouvoir de faire oublier ces journées de désastre et de deuil ! Hommes de toutes les classes qui avez échappé au trépas, tendez-vous la main ! Oubliez le passé ! C’est cette patrie que vous aimez tous qui vous en conjure ! Que les haines s'éteignent, et que des jours plus heureux succèdent enfin à ces jours de détresse et de mort.Dans la matinée, tout était calme, mais d'un calme affreux ; les boutiques étaient toutes fermées, et les combattants erraient par les rues avec leurs armes ; cependant on voyait déjà que Lyon n'avait rien à craindre des vainqueurs ; des sauvegardes avaient été placées par les ouvriers à la porte de plusieurs négocians, principalement de ceux qui avaient provoqué le plus la classe industrielle. De fortes gardes furent établies dans les quartiers commerçants, et les autorités reprirent leurs fonctions."

mercredi 30 janvier 2008

lundi 28 janvier 2008

Les cinématographes à la Croix-Rousse

CINÉMA (LE) 18 rue Saint-Polycarpe (1er arrondissement).Ouverture en 1976.Cinéma d'Art et Essai (catégorie Recherche).Spécialisé à l'ouverture dans les films expérimentaux, ensuite dans les films de répertoire.Fonctionne en 16m/m jusqu'en 1990 puis en 35m/m (à partir de cette même année).Propriétaire : S.A.R.L. Le Cinéma (gérant : Georges Rey)

C.N.P. LYON 40 rue du président Édouard Herriot (1er arrondissement).Ouverture en 1976.Autres noms : C.N.P. LYON TERREAUX (1982-1985), C.N.P. TERREAUX (à partir de 1985).
Les quatre salles sont dédiées au cinéma Art et Essai (catégorie Recherche).Exploitants : S.A. Compagnie du Théâtre de la Cité, Gilbert, Planchon.

CROIX-ROUSSE (CINÉ)
6 place des Tapis (4ème arrondissement).Mentionné de 1901 à 1927 dans l'indicateur Henri.Exploitants connus : Geoffray et Girod.

DIDEROT (LE) 7 rue Diderot (1er arrondissement).Installé par Dargère en 1915.Autres noms : LACROIX, MON CINÉ (1953-1958).Exploitants connus : Dargère (1915), Raclot (1918), Dufreney (1919), Vierne-Imbert (1919), Borcier (1919), Pernod (1920), Barbier et Bavosat (1920), Lambert (1921), Poirieux, Guidot, Gobert, Villeboeuf, Clère, Lacroix (1933), Massa (1953-1958).Fermeture le 23 décembre 1958.

DULAAR 8 place de la Croix-Rousse (4ème arrondissement).Attesté à partir de 1912 (Rapin, Chroniques croix-roussiennes, 1987).Autres noms : FORCHERON CINÉMA (1920), LA PERLE (1937-1960).Exploitants connus : Dulaar (Jérôme) (1912-1919, 1921-1937), Forcheron (1920), Melle Dulaar.
Fermeture le 8 décembre 1959 : remplacé par une grande surface d'alimentation.

FAMILY (LE) 3 bis rue de Dijon (actuelle rue Eugène Pons) (4ème arrondissement).Attesté de 1922 à 1935.300 places.Exploitants connus : Guillermin, Kus (1927 - 1929), Maréchal (1930), Barthélemy (1931), Drubay (1932).

FOYER (LE) 35 rue du Bon Pasteur (1er arrondissement).Existence probable au début des années 1940 ; apparemment arrêté en 1944.

FOYER SAINT-AUGUSTIN 14 rue Bournes (4ème arrondissement).Salle paroissiale.Attesté de 1958 à 1964.Exploitant connu : Association Foyer Saint-Augustin.Arrêt de l'exploitation cinématographique le 21 juin 1964.

GRAND-THÉÂTRE 1 place de la Comédie (1er arrondissement).Projections de petits films muets dès 1907 ; ils sont accompagnés d'oeuvres musicales (Gounod, Massenet).La salle est maintenue ouverte pendant la guerre grâce à la poursuite de cette formule.1927 à 1929 : nouvelle tentative avec des longs métrages.Sources : Bibliothèque municipale de Lyon, Trois siècles d'opéra à Lyon
(Catalogue d'exposition), 1982, pp. 178-179, programmes du Grand-Théâtre.

LACROIX 27 place de la Croix-Rousse (4ème arrondissement).Attesté de 1920 à 1933 (Rapin, Chroniques croix-roussiennes, 1987).Autres noms : ALPHONSE, LE SELECTA (1931).Autres activités : café, salle des fêtes.Exploitants : Lacroix, Laurier.

MARLY (LE) 32 rue de la Vieille Monnaie (actuelle avenue René Leynaud) (1er arrondissement).Attesté de 1941 à 1981.Installé dans l'ancienne brasserie Chevallon aménagée en salle de cinéma par l'architecte Berne de Gervésie au cours des années 1939-1940.318 places.Autre nom : LE CANUT (1974-1981).Classé Art et Essai le 1er janvier 1976, classé catégorie Recherche le 28 avril 1984.Exploitants connus : Blattes (dit Marly), Mme Blattes (1957-1969), de Founes (1969-1974), S.A.R.L depuis 1974).Fermeture du CANUT en 1981. Actuellement Théâtre de la Platte.

NOAILLY (LE) 136 boulevard de la Croix-Rousse (4ème arrondissement).L'établissement le NOAILLY, du nom de son propriétaire, est attesté de 1919 1920. Il est installé dans l'ancienne brasserie Dupuis.Remplacé par le PALACE CITY CINÉMA qui ne connaît pas une existence durable.1933 : la salle est transformée par l'architecte Armbruster pour donner le jour au CHANTECLAIR (capacité d'un millier de places) qui fonctionne jusqu'en juillet 1985.1977 : le CHANTECLAIR est réaménagé et divisé en trois salles : deux de 320 places et une plus petite de 79 places.Exploitants et propriétaires : Noailly, Rodiansky, Palmade et Bertholet (1961), Bertholet (1973), Jalibert (1974), Lemoine (1976), U.G.C. (1980).Fermeture le 13 juillet 1985 ; démolition en 1986.

ODÉON (L') 6 rue Lafont (actuelle rue Joseph Serlin) (1er arrondissement).Attesté depuis 1918.Autres noms : NORMANDY (1938-1969), C.N.P. OPÉRA (1970-1975), CINÉMA OPÉRA (depuis 1975).Le NORMANDY est spécialisé dans les films érotiques pendant les années 1960.Le cinéma est entièrement rénové pour l'ouverture du C.N.P. OPÉRA. Il est classé Art et Essai en 1971.Le CINÉMA OPÉRA est classé X de 1976 à 1980. A partir de 1983, il est à nouveau classé Art et Essai (après son rachat par M. Rey).Exploitants connus : Fraisse (1918), Brossy (1920 et 1933-1936), Philip (1955), Gamet (1960), Albertini (1975), Martin (1978), S.A.R.L. Le Cinéma (Rey, 1982).Façade décorée par Ben au début des années 80.Rénovation en 1988.

PHOTOGRAPHIE ANIMÉE (LA) 1 rue de la République (angle nord-est de la rue de la République et de la rue Pizay) (1er arrondissement).Attesté à partir de janvier 1896.Fermé en 1898.Exploitants : Lumière (Auguste et Louis).Programmes annoncés chaque semaine dans Le Progrès.

POINÇON 23 rue de la Tourette (1er arrondissement).Attesté en 1910.Cinéma forain.Exploitant : Poinçon.Installé en 1913 - 1914 au 2 rue Notre-Dame.

RAMEAU (SALLE) Rue de la Martinière (1er arrondissement).Activités cinématographiques attestées en 1923.Activité principale : salle de spectacles.Exploitant : Witkowsky.

RIALTO (LE) 39 rue de Dijon (actuelle rue Eugène Pons) (4ème arrondissement).Attesté de 1937 à 1964.Exploitants connus : Sahuc (1946), Martin (1951), Gonczarow (1952), Allix Courboy (1954).Fermeture le 15 mai 1964.

SAINT-BRUNO 9 rue des Chartreux (1er arrondissement).Attesté vers 1953.Salle paroissiale.Exploitants connus : Association " les Amis du Clos Jouve ", Lapp (1953), Fontaine (1956), Cottet (1959), Collet (1962). Arrêt de l'exploitation cinématographique le 4 juin 1967.

SAINT-DENIS 77 grande rue de la Croix-Rousse (4ème arrondissement).Attesté de 1920 à 1995.D'abord cinéma de paroisse, puis cinéma familial géré par l'Association Espoir du Plateau depuis 1948.Exploitants connus : paroisse Saint-Denis, Association Espoir du Plateau, Ferlay (1948), Mme Georges (1987).

TERREAUX (LES) 17 rue du Puits Gaillot (1er arrondissement).Attesté de 1907 à 1979.Autre nom : LE SPLENDOR (1911, 1932-1979).Installé dans l'ancien café de la Gaule.Exploitants connus : Bertuca, Rousset et André (1913), Micheletti et André (1914), Micheletti (1915), Herbin (1928), Pupier (1932-1936), Finand (dernier exploitant).Fermeture le 31 décembre 1979.

TERREAUX (LES) 8 place des Terreaux (1er arrondissement).Attesté depuis 1914.Cinéma parlant à partir de 1930 (appareil " synchrosonore ", 2 projecteurs simplex).Autres noms : LEXTRAT, ZOOM (1972 - 1988).Changement de format en 1972 : passe du 16 m/m au 35 m/m.Création d'une deuxième salle en 1981.Exploitants connus : Lextrat, Veuve Lextrat (1932 - 1936), Bouvet (1972).Fermeture le 28 septembre 1988.

dimanche 20 janvier 2008

En savoir plus

Par mesure d’économie ?
Sur la plaque ronde de la fontaine de la place Louis Pradel, est écrit un vers : « Permets m’amour penser quelque folie », mais il n’est pas signé ! Est-ce parce que chacun est sensé connaître par cœur l’œuvre de Louise Labé ou par mesure d’économie ? Et puis, pourquoi n’avoir pas mis le titre du sonnet… par pudeur ? Il est vrai que : « Baise m’encor, rebaise-moi et baise »aurait fait frémir plus d’un Lyonnais se rendant à l’Opéra ou à l’Hôtel de Ville !

Mariage royal
Souvent le visiteur qui lève son regard sur la façade de l’Hôtel de Ville se demande qui est cet homme fier sur son cheval. Une fois renseigné, il s’agit d’Henri IV, il ne peut s’empêcher de demander pour quelle raison les Lyonnais l’honore, la poule au pot n’entrant pas dans les spécialités culinaires des gones. C’est que le 17 décembre 1601 il convola en justes noces avec Marie de Médicis en la cathédrale Saint-Jean. Lyon vaut bien un second mariage…

La fresque de la Bourse du Travail
Les murs peints sont à la mode et personne ne s’en plaint. Il y a une fresque beaucoup plus ancienne sur la façade de la Bourse du Travail. Cette mosaïque de 172 m² est due à Ferdinand Fargeot à qui l’on avait imposé un thème : « La vie embellie par le travail ». Les personnages représentants des ouvriers côtoient six personnalités. Trois architectes, Meysson, Baud et Gabriel Rambaud, le docteur Sahuc, le fondateur de la coopérative « l’Avenir » et Edouard Herriot maire de Lyon.

Faute d’orthographe ?
Sur le plateau croix-roussien une rue porte un nom qui est souvent sujet à polémique. En effet la rue de Nuits a un S ! Certains guides assurent qu’il s’agit d’une faute d’orthographe, soupçonnant ainsi les employés de la Ville d’être mauvais en français. Et bien ces derniers ont raison car il s’agit d’évoquer la bataille du 18 décembre 1870 de Nuits-Saint-Georges où tant de Lyonnais trouvèrent la mort. Cette tragédie donna lieu à une émeute à la Croix-Rousse.

L’auteur des grilles du Parc
La porte monumentale du Parc de la Tête d’Or fait l’admiration de tous. Elle n’est d’ailleurs pas sans rappeler les grilles de la place Stanislas à Nancy qui elles sont l’œuvre de Jean Lamour. A Lyon c’est le serrurier d’art Joseph Bernard qui les réalisa en 1901. Ce bon gone est l’exemple même d’une réinsertion réussie. En effet il sortait de prison pour activités anarchistes quand on lui confia se travail pour un prix non négligeable : 104 800 francs or !

La première coopérative est lyonnaise
Au 95 de la montée de la Grande Côte une plaque rappelle qu’ici fut fondée en 1835 la première coopérative de consommation : « Le commerce Véridique et Social. Inspirée par les idées de Fourier elle prouve combien les tisseurs sur soie n’hésitaient pas à imaginer une société fondée sur la solidarité et la fraternité. Un petit monument dans le jardin des plantes rappelle ce grand rêve et honore les deux principaux créateurs, Michel Derrion et Joseph Reynier.

Pierre Poivre : un casse tête pour les biographes
Une rue du 1er arrondissement rend hommage à Pierre Poivre (1719-1786), grand voyageur, naturaliste et économiste de talent. Il est un casse tête pour les biographes. En effet on a écrit que c’est lui qui avait donné son nom à cet épice, il n’en est rien. Le « piper aromaticus » était connu depuis longtemps. D’autre part on le fait mourir à Saint-Romain-de-Couzon alors que le docteur Beauvisage assure qu’il décéda place Louis-le-Grand, aujourd’hui place Bellecour.

Impressionnant mâchon !

Le premier mâchon des Amis de Guignol se déroula à la brasserie Kléber, place de la Comédie le 24 février 1914, à 7 h ½ du soir. Ils sont soixante gones à s’attabler pour un repas qui laisse rêveur. Qu’on en juge : « paquets de couenne, gratons, os de china, rouelle de veau, gratin de pommes de terre, dinde de marrons, salade de groin d’âne et de dents de lion avec « de z’harengs », bugnes, fromage bleu, rigotes, rougerets, dessert et pots de Beaujolais… une moyenne de…trois pots par personne !

La colline aux trois 8

Le regretté René Dejean désignait Fourvière comme la colline aux trois 8. Le 8 septembre 1643 date depuis laquelle le chef du diocèse bénit la ville et le maire fait don d’un écu. Le 8 décembre 1852 quand les habitants mirent spontanément des lampions aux fenêtres en honneur de la statue de la Vierge et le 8 octobre 1870 qui rappelle la promesse faite d’édifier une grande chapelle si les Prussiens n’entraient pas à Lyon. Un vœu exaucé et une promesse tenue : la basilique.

Les devises de Lyon
La devise la plus connue est sans doute : « Avant ! Avant ! Lion le Melhor ! » C’est le cri que poussaient les commerçants et artisans, les bourgeois de la rive gauche, en lutte contre le clergé pendant la rebeyne de 1269. L’autre devise : « Suis le Lion qui ne mord point sinon quand l’ennemi me poingt » est un extrait d’un poème de Clément Marot écrit en 1536 dans lequel il évoque également le « Lion plus doux que cent pucelles. »

lundi 14 janvier 2008

Bambane avec l'Esprit Canut

Bambane avec l’Esprit Canut

En décembre 2005, l’association L’Esprit Canut m’a demandé d’accompagner par des commentaires une déambulation, la marche des chelus, du nom de la lampe qu’utilisaient les tisseurs pour travailler la nuit, à travers la Croix-Rousse. Une manifestation à laquelle ont participé plusieurs associations.

Place Joannès Ambre
Nous sommes le 8 décembre 1852 … Depuis le 24 mars la Croix-Rousse n’est plus une ville indépendante mais un arrondissement de Lyon… comme Vaise, comme la Guillotière qui s’étend des marais des Brotteaux aux lônes de la Mouche et Gerland. La Croix-Rousse essuie encore ses plaies sanglantes provoquées par les affrontements entre les héritiers de Chalier, partisans d’une République vertueuse à la façon de Robespierre, les Voraces, et la troupe, le 15 juin 1849. De 30 à 100 morts. En cette année 1852 les Croix-Roussiens pensent à autre chose. On leur a promis depuis l’année passée, une Vierge de l’Immaculée Conception, haute de 5 mètres et revêtue d’une épaisse couche d’or. Une œuvre assez simple, sans détails qui ne seraient pas visibles à cette hauteur. Le gone chargé de la sculpter s’appelle Joseph Hugues Fabisch, il est professeur à l’Ecole des Beaux-Arts. Il va devenir un spécialiste des Vierges puisqu’on lui confiera plus tard celle de Lourdes et celle de la Salette. Le travail de la fonte du bronze est confié aux ateliers Lanfrey et Constant Baud, des Lyonnais, installés du côté du Vieux Lyon, au bord de la Saône. Ils doivent livrer le 8 septembre, jour le fête de la Vierge, mais y a eu des problèmes. Le boulot prend du retard, des inondations paraît-il… Alors ça sera le 8 décembre, une date qui rappelle le vœu des échevins de 1643. On a prévu une couronne de fusées aux étoiles bleues et blanches et les Lyonnais se pressent vers Fourvière. Seulement voilà… le ciel se déchaîne… c’est la tempête et le matériel d’illumination ne peut être posé. Les édiles de la ville annulent l’éclairage, se mettent au chaud en vidant le buffet préparé et discutent de choses et d’autres…
Pensez les fenottes et les gones d’en bas, y sont déçus. On leur avait promis un feu d’artifice et rien. C’est tout sombre en haut de Fourvière qui n’a pas encore la basilique. On ne voit même pas la Vierge plaquée d’or. Et voilà qu’apparaissent sur les fenêtres, une, puis dix, puis cent, puis mille bougies ! Des somptueux quartiers comme des immeubles ateliers des Canuts… y en a partout ! Deux ans avant le dogme de l’immaculé Conception fixé au 8 décembre, les Lyonnais célèbrent Marie et depuis… ça continue…

Eglise Saint-Denis
Nous sommes en 1624. Les Croix-Roussiens et les habitants de Cuire sont plutôt contents. C’est que chenuses fenottes et bons gones, depuis le temps qu’ils réclamaient un lieu de culte, c’est aujourd’hui chose faite. C’est comme aujourd’hui pour des salles de réunions, des espaces verts, voir des parkings… y faut réclamer sans relâche, savoir être patients sans se décourager. C’est ce qu’ils ont fait les chrétiens du XVIIème siècle de Cuire-la Croix-Rousse. Les moines Augustins Réformés qui avaient été accueillis en France par Louis XIII, ils ont retroussé leurs manches de leurs robes en bure, craché dans leurs mains et construit une chapelle et un couvent. Comme il faut laisser le temps au temps, 90 ans plus tard on consacre la chapelle qui sensément avant ça, n’était pas tout à fait aux normes spirituels. On se gratte un peu le cotivet pour savoir qu’elle nom on va lui donner. Un gone plus futé que les autres ou qui avait lu les bouquins du père Bobichon lève le doigt : « belins belines (en fait il n’a dit que belin parce que d’après ce qu’on dit les femmes n’avaient guère la paroles à cette époque) il dit donc le gone futé : « Belins, y a qu’à dédier la chapelle à Saint-Denis, vu qu’il fut un des bonhommes convertis par Saint-Paul à Athènes et comme, vous me suivez, l’évêque de Marquemont qui avait accueilli les Augustins à Lyon, son petit nom c’est Denis… y va être tout joye le monseigneur et par les temps qui coure vaut mieux avoir des sponsors à la hauteur ! » A la Révolution, les Croix-Roussiens font comme les autres, ils écrivent sur des cahiers d’écoliers tout leurs rouspétances et notamment ils demandent que la chapelle devienne église paroissiale sous le vocable d’église Saint Augustin en souvenir des moines. Seulement c’est une période très agitées et aussi sec, on transforme St Augustin et on donne à ce lieu le nom beaucoup plus révolutionnaire de « temple décadaire ». Aucun succès. Alors on essaie « temple de la Raison ». Pas mieux. En définitive, on revient au vocable de St Denis et sa fonction d’église. Les canuts qui arrivent à la Croix-Rousse à partir de 1810 offriront une bannière encore visible aujourd’hui. Témoin de la tolérance des Croix-Roussiens, l’Amicale Laïque réside dans les anciens locaux du monastère depuis plus de 100 ans !

Angle Grande Rue – rue du Chariot d’Or
La Grande Rue, notre plus ancienne voie, est bordée de part et d’autre de maisons qui sont comme autant de témoins de l’histoire de la Croix-Rousse. Son dynamisme économique n’est pas à prouver et il en a été toujours ainsi. Normal quand on sait qu’au sud, elle se termine par la place de la Croix-Rousse qui fait face à la porte d’accès à Lyon. Elle est fermée la nuit cette porte. Les voyageurs, les marchands doivent pouvoir se restaurer, dormir en attendant de pénétrer dans la ville de Lyon. De chaque côté de la Grande-Rue, des auberges, des mécaniciens qui réparent les charrettes, les chariots, les diligences qui ont souffert pendant les longs trajets. Certains aubergistes astucieux font comme à Lyon, ils accrochent à leurs portes cochères, un fagot de branchages signalant ainsi qu’il est possible de « bouchonner » les chevaux… On désignera ces lieux hospitaliers, où la cuisines est excellente… les bouchons, tout simplement. Autre avantage de la Grande-Rue de la Croix-Rousse, tout y est moins cher… Opération commerciale… ??? Peut-être mais surtout les octrois, les taxes y sont moins importantes qu’à Lyon. D’ailleurs le bourgeois lyonnais ne s’y trompe pas et vient le dimanche et les jours de fêtes carillonnées s’encanailler à la Croix-Rousse et se rincer le corgnolon sans vergogne dans l’auberge du Chariot d’Or par exemple... Et puis c’est la campagne tout autour de la Grande-Rue. A l’ouest les propriétés religieuse, à l’Est, des vignes, des jardins et quelques propriétés de Lyonnais. Leurs maisons de campagne, leurs gloriettes… Mais au début du XIXème siècle, tout va changer… on va le voir plus loin… suivez moi…

Place Bertone
L’ancienne place de la Visitation… et la première école de tissage… Les canuts, comme les imprimeurs savent lire et écrire, envoient leurs enfants à l’école. N’ont-ils pas créé leur premier journal, l’Echo de la Fabrique, en 1831 quelques semaines avant leur révolte. Ils lisent, discutent, écrivent. Le savoir est un bien précieux pour eux. Mettre sur pied le mutuellisme, les épiceries sociales nécessitent cette maîtrise du calcul, de la phrase, de l’argumentation. Plus près de nous, un autre gone qui habitait à deux pas d’ici, écrira du fond de sa cellule, une page combien émouvante… C’est Marcel Bertone, jeune militant communiste… il s’adresse à sa fille…

« Ma petite Hélène. Lorsque tu liras cette lettre ton petit cerveau commencera sans doute à comprendre la vie. Tu regretteras de ne pas avoir à tes côtés ton papa et ta maman. Mon Hélène, tu dois savoir un jour pourquoi ton papa est mort à vingt et un ans, pourquoi il s’est sacrifié, pourquoi il a fait semblant de t’abandonner… Ma petite Hélène, il est deux heures, il faut être prêt. Il faut me dépêcher… Apprends à connaître les raisons pour lesquelles je suis tombé. Apprends à connaître ceux qui t’entourent et juge les gens non d’après ce qu’ils te diront, mais d’après ce que tu les verras faire…Aie l’esprit de sacrifice pour les choses nobles et généreuses. Ne te laisse pas arrêter par les choses qui paraîtront te convaincre que ton sacrifice est vain, inutile… Si dans la vie tu ne connais pas la richesse, console-toi en pensant que là ne se trouvent pas les sources du vrai bonheur. Choisi un honnête travailleur pour mari. Choisis-le généreux, aimant travailler, capable de t’aimer. Ma fille, en pensée, je t’embrasse. On ne nous a pas accordé l’autorisation de nous voir. Peut-être cela vaut-il mieux ? Adieu Hélène, ton papa est mort en criant : « Vive la France »
Fait à la prison de la Santé, le 17 avril 1942, date de mon exécution. Marcel Bertone.
Ne baisse pas la tête parce que ton papa est fusillé. »


Angle rue du Chariot d’Or – rue Dumont D’Urville
Les fils d’or, d’argent et de soie sont exclusivement tissés à Lyon depuis 1536. A Lyon… pas à la Croix-Rousse. Du côté de Saint-Jean, Saint-Georges, Saint Paul et montée de la Grande Côte. Seulement voila-t-y pas qu’un gone, Joseph Marie Charles dit Jacquard vers 1805, invente pour le tissage, un système de cartons perforés assurant mécaniquement la levée des fils de chaîne permettant selon le décor voulu, le passage des fils de trame lancés par le tisseur au moyen d’une navette. Entre nous cette amélioration va entraîner la suppression d’un emploi, celui du tireur de lacs, et ne sera réellement utilisé que sous la Restauration. N’empêche, si les canuts veulent être compétitifs il faut qu’ils utilisent cette nouvelle mécanique qui se place au dessus du métier. Les ateliers du Vieux Lyon ont des plafonds trop bas. Il faut plus de 4 mètres. Le haut des pentes et le plateau Est de la commune de la Croix-Rousse sont peu construits. A l’Ouest, des propriétés religieuses. Ce n’est pas là que l’on va construire. Par contre au levant, des jardin, des vignes, de petites propriétés bourgeoises, des maisons de campagnes, les gloriettes. On peut acheter et construire très rapidement des immeubles-ateliers. De hautes fenêtres, sur les vitres du papier collant pour que la lumière soit diffusée mais que les rayons du soleil ne viennent pas décolorés les fils teints. Pas de balcon, par de chapiteaux ou d’embellissement de la pierre…c’est une architecture d’usine. A l’intérieur les métiers mais aussi une alcôve pour le chef d’atelier et sa fenotte, le chef d’atelier c’est le canut propriétaire des moyens de production. A mi-hauteur un plancher pour que les compagnons, les apprentis et les enfants du couple puissent dormir… la soupente… aujourd’hui mezzanine.

Place Bellevue
1865… Depuis 13 ans la Croix-Rousse est Lyonnaise… mais nom d’un rat c’est pas très pratique d’aller à Lyon… c’est que les remparts, plus ou moins détériorés par les différentes révoltes sont encore bien présents. Avec à l’Ouest le fort St Jean, sur le bords de la Saône et à l’Est, le fort St Laurent. On va les démolir les remparts et il ne restera plus que la porte du gymnase militaire, derrière la poste, sur le terrain du Crédit Lyonnais, et les deux forts, dont celui-là. Construit comme les immeubles ateliers avec la pierre de la carrière de Couzon, la même pierre que la croix de couleur orangée… de couleur rousse, érigée à la fin du XVème siècle… eu nord de la commune à la limite de Caluire. C’est elle qui va donner son nom à l’ensemble de la paroisse, de la commune, de la colline. Les immeubles ateliers que nous allons longer jusqu’à la place Colbert ont été témoins des combats des révoltes… pendant trois jours.
Marceline Desbordes Valmore, poétesse était là…

« Quand le sang inondait cette ville éperdue,
Quand la tombe et le plomb balayant chaque rue
Excitaient les sanglots des tocsins effrayés,
Quand le rouge incendie aux longs bras déployés,
Etreignait dans ses nœuds les enfants et les pères,
Refoulés sous leurs toits par les feux militaires,
J’étais là ! Quand brisant les caveaux ébranlés,
Pressant d’un pied cruel les combles écroulés,
La mort disciplinée et savante au carnage,
Etouffait lâchement le vieillard, le jeune âge,
Et la mère en douleurs près d’un vierge berceau,
Dont les flancs refermés se changeaient en tombeau,
J’étais là : j’écoutais mourir la ville en flammes ;
Savez-vous que c’est grand tout un peuple qui crie !
Savez vous que c’est triste une ville meurtrie,
Appelant de ses sœurs la lointaine pitié,
Et cousant au linceul sa livide moitié,
Ecrasée au galop de la guerre civile ! »


Place Colbert et la cour des Voraces
Mort à la fin du XIXème siècle, Nizier de Puitspelu nous parle des Voraces. « Ca date de 1846. Pas de but politique au départ. Quelques ouvriers canuts voyant que les cafetiers de la Croix-Rousse ne pouvaient se résoudre à servir le vin au litre, se liguèrent pour obtenir cette réforme. Ils se rendaient par petits groupes dans les cafés et demandaient un litre de vin. Le patron répondait invariablement : Nous ne servons qu’à la bouteille. » Les canuts de sortir et d’aller dans un établissement voisin renouveler l’expérience. D’où le nom de Voraces.
Ce fut là le début de cette société absolument distincte des autres organisations ouvrières du quartier, des Ferrandiniers et des Mutuellistes. Le Voraces commencèrent à se réunir périodiquement chez Mme Maréchal, à l’angle de la rue Austerlitz et du Mail. Le samedi et le lundi. Au début de 1848 quelques canuts politisés décidèrent d’admettre dans ces réunions que des républicains. 300 à la chute de la Monarchie de Juillet.
Le 24 février ils descendent à Bellecour sans armes, sans uniforme, pour s’emparer du poste. Puis ils se rendent à l’Hôtel de Ville dont ils font le siège. Ils donnent l’assaut à coup de pierres. Ils deviennent maîtres de l’Hôtel de Ville. Puis à la Préfecture (Place des Jacobins) Tout cela dans la soirée. Le lendemain ils se rendent au fort St Laurent. Ils prennent les armes. Puis ils s’emparent du séminaire du bas de la côte St Sébastien. Puis le bastion en face du Mont Sauvage. (2 tués)
Ils tiennent le bastion des Bernardines, le fort de Montessuy, le fort St Laurent, le Palais de Justice.
Le 18 mars Arago vient à Lyon. Il les persuade qu’il ne vient pas pour renverser la République. Les Voraces se retirent des forts. Les sociétés disparaissent.

Le Boulevard de la Croix-Rousse
Le boulevard de la Croix-Rousse… c’est d’abord l’étrange bruit des étals dans la nuit usée par sa veille. Le geste machinal qui installe par habitude les tréteaux, soulève les cagots de légumes, aligne les rondeurs brillantes des fruits sous la lumière épuisée d’un réverbère. Le silence se déchire en gémissant dans la clarté hésitante du matin. Les rêves ont fait le voyage et cherchent encore à poursuivre leur brève existence. Le peuple des maraîchers met en place le décor d’une matinée qui reste encore tapis dans les coulisses.
Un juron claque sur l’asphalte. Un éclat de rire le relève, suivi d’un mot qui vient réveiller les bonjours qui tardaient à se manifester.
Le soleil n’est pas en reste. Comme s’il n’attendait que ce signal, il tend le bras pour flatter la verve du peuple du boulevard. Les conversations s’imposent, passent d’un banc à un autre, se croisent, se heurtent parfois et rebondissent sans toujours se relever.
Les ardoises se couvrent de chiffres, les balances se redressent, une tomate malade qui s’était glissée en douce pour réchauffer sa vieille peau est expulsée sans ménagement, un bataillon de plantes aromatiques distribue des rêves de vacances, les regards des premiers clients s’attardent, hésitent, comparent.
C’est ainsi que le peuple du boulevard peu à peu se retrouve. Par touches successives, suivant un rite immuable, maraîchers et chalands transforment le boulevard de la Croix-Rousse en un théâtre de la vie. Point de dialogues écrits ciselant les répliques, point de répétition réglant le mouvement lent des uns, la déambulation saccadée des autres et pourtant chacun tient sa place. Tout en innovant, tout en créant des scènes improbables, des dialogues qui échappent aux bibliothèques poussiéreuses, aux anthologies poétiques.
Quand le soleil débarrassé des brumes qui voilent son regard, s’accoude d’un air gourmand à la terrasse d’un nuage, le mouvement s’amplifie et mêle dans un désordre rassurant les habitants que la vie aurait dû séparer.
Le peuple du boulevard sait des jours de pluie. Quand le marché s’étire avec peine sur le bitume luisant. Quand les gouttes s’amusent à rebondir de la bâche qui pleure à la joue du gamin. Le vent s’invite aussi à ces matins de deuil. Il gifle l’étal, défeuille les platanes, courtise les parapluies à la hussarde, et repart hilare, content de lui
Le peuple du boulevard se sépare, peu à peu. Quelques choux-fleurs tendent la main à des mains fatiguées qui guettent quelques espoirs. La misère n’ignore pas le marché.

Place des Tapis
Le boulevard… c’est la vogue de la Croix-Rousse… S’il est difficile de préciser la date exacte de sa création, on peut la situer à l’époque de la construction par les Augustins en 1624 de l’église dédiée à l’évêque Denis de Marquemont. Or la saint Denis se fête le 9 octobre, époque de la récolte des marrons et du premier vin blanc peu fermenté et les paroissiens ont décidé de célébrer le saint patron. Au fil du temps elle est devenue vogue. Quand à sa configuration, voilà un témoignage d’un ancien, rédigé à la fin du XIXème siècle.
« Toute la Grande-Rue était encombrée de faiseuses de matefaims, de marchands de pâtés aux poires cuisse-dame ou aux brignoles, et de rissoleurs de marrons ; car vous n’ignorez pas que la vogue de la Croix-Rousse est en possession de privilège immémorial d’offrir aux promeneurs les premiers marrons de la saison et le premier vin blanc – l’un, sans doute, corrigeant l’autre. Sur la place, c’était une cohue dont on ne peut se faire une idée, en se rappelant que le boulevard n’existait pas et que tout était massé sur le marché (petite place de la Croix-Rousse) et l’étroit carré où s’élevait la croix. A peine quelques baraques perdues s’aventuraient à l’entrée du cours des Tapis. De tradition, le cirque était toujours dressé contre le gymnase militaire et M. Roque, « physicien du roi », trônait le long du rempart. »
Le boulevard… c’est aussi les funiculaires… les ficelles et celle de la croix Pâquet… qui nous offrit le Gros Caillou… la ficelle Croix-Pâquet et le dernier voyage d’homme libre de Jean Moulin
21 juin 1943 : Tony de Graff amène le colonel Schwarzfeld à la Ficelle Croix-Pâquet où celui-ci retrouve Raymond Aubrac et Jean moulin. Aubry, Hardy et Lassagne prennent la ficelle au environ de 14 h place Croix-Pâquet. Ils arrivent à la gare supérieure (aujourd’hui le petit terrain de sport à l’angle de la rue Vaucanson) et se rendent place de la Croix-Rousse. Aubry et Hardy prennent le tram 33 en direction de Caluire. André Lassagne est à bicyclette. Vers 14 h 30, C’est au tour de Jean Moulin et Aubrac de prendre la ficelle. Au terminus ils attendent une demi-heure le colonel Schwarzfeld et se rende chez Dugoujon.
Arrive un peu plus tard, la gestapo…

Ainsi s’achève la marche des chelus chantant… Nous allons rejoindre la place de la Croix-Rousse et continuer à chanter. Avant de me taire, avant que vous entonniez le chant qui ici nous est si cher, celui des Canuts, une chose encore. Il est arrivé que certains s’interrogent et ce demande s’il était convenable d’utiliser le mot de Canut qui paraît-il serait injurieux à l’égard des maîtres tisseurs. En 1832, les tisseurs se posaient déjà la question et l’Echo de la Fabrique organisait un grand concours pour trouver une autre appellation. Mais dans le courrier reçu à la rédaction du journal des ouvriers en soie, une lettre qui devrait aujourd’hui régler une fois pour toute ce problème :

« J’ai cru, Monsieur, que c’était une plaisanterie que votre concours ouvert pour trouver un nom euphonique, dites-vous, à la classe générale des ouvriers en soie. Je vois avec peine que vous y persistez : pourquoi donc, enfants ingrats, rougirions-nous du nom que nos pères nous ont laissé ! Pourquoi cette susceptibilité, pour mieux dire, cette pruderie ? Qu’a donc de déshonorant le nom de canut ? Qu’importe que ce soit par raillerie ou autrement qu’on nous le donne ? Par lui-même un mot n’a rien de fâcheux.
Appelons-nous canuts et soyons citoyens.
Votre concours à mon avis est inutile, et son but est oiseux ; ce n’est pas de trouver un nom à notre profession qu’il faut vous enquérir, permettez-moi de vous le dire, mais bien des améliorations à notre état social. Je me suis laissé dire que dans une ville qu’on appelait Byzance, et qui était assiégée par une armée ennemie, des moines qui l’habitaient discutaient gravement une question théologique ; pendant ce temps l’ennemi prit la ville, et les moines allèrent en esclavage continuer leur lumineuse discussion. Sans remonter à une époque éloignée, sous le consulat de Bonaparte, on discuta beaucoup sur l’importance relative des mots citoyens et Monsieur ; et pendant ce débat, la république périt Serions-nous, par hasard, à notre insu, dans une position analogue.
Je vous propose donc de fermer une discussion au moins intempestive, et de chercher au contraire à rendre au nom de canut toute la gloire qu’il mérite, étant porté par des hommes probes et laborieux.
Intitulez-vous hautement journal des canuts, on en rira d’abord, ensuite on s’y accoutumera ; ce nom deviendra aussi noble que celui de banquier, médecin, avocat, etc., et vous aurez fait un acte de haute sagesse. »
Labory.


Robert Luc le 8 décembre 2005

jeudi 10 janvier 2008

L'Echo de la Fabrique

L’Echo de la Fabrique

C’est le 23 octobre 1831 que paraît l’annonce de la création du premier journal ouvrier à l’initiative des canuts, l’Echo de la Fabrique. Cet hebdomadaire va être publié jusqu’en mai 1834. 131 numéros qui sont autant d’occasions de se plonger dans la vie quotidienne des tisseurs sur soie. L’Echo de la Fabrique, « journal par actions, spécialement consacré à la manufacture d’étoffes de soie et de toutes les industries qui s’y rattachent » se fixe pour objectifs de « faire connaître avec précision et franchise la cause de malaise général et les moyens d’obtenir un équilibre qui, sans léser les intérêts généraux des chefs de fabrique, apporterait une amélioration dans le sort de ceux qui sont sous leur dépendance ». On le voit, rien de révolutionnaire, de subversif mais une véritable volonté d’amélioration des conditions des ouvriers sans pour autant mettre en danger l’industrie de la soie. En même temps sont désignés clairement les adversaires : les négociants qui abusent. Dès le premier numéro les journalistes rappellent sans le nommer le décret de 1744 qui créera deux professions distinctes, négociants d’un côté, tisseurs de l’autre : « MM les négociants dont on n’ignore ni la condition primitive, ni le marche pied qui les a aidés à se hisser sur de coffres-forts immenses. » Les objectifs seront constamment à l’esprit des rédacteurs dans la courte mais féconde vie de l’Echo de la Fabrique.

A propos de l’Echo de la Fabrique

L’Echo de la Fabrique est un extraordinaire laboratoire d’idées. Tous les grands thèmes, dont beaucoup font encore débat aujourd’hui, sont abordés. On y trouve les comptes-rendus des séances de Conseil des Prud’hommes et son combat pour faire avancer le droit de représentation dans les jugements et pour la création d’une véritable jurisprudence. On assiste à la recherche d’un autre mot que celui de canut, ce qui nous livre au passage l’origine de cette appellation. Le journal ouvre ses colonnes aux féministes de l’époque, aux saint-simoniens, aux fouriéristes. On trouve des articles sur la littérature et de nombreux poèmes sont publiés. De nombreux articles évoquent l’enseignement, la santé, l’économie, le mutuellisme mais également la peine de mort, la religion. Et si l’on assiste à des polémiques violentes avec les autres journaux liés au pouvoir l’humour n’est pas absent de l’Echo de la Fabrique avec la fameuse rubrique « coup de navette ».

A consulter pour en savoir plus :
http://echo-fabrique.ens-lsh.fr

lundi 7 janvier 2008

Quelques adresses de canuts (1831-1834)

Le désir de signaler le lieu de naissance, de décès, de séjour d’une célébrité par l’apposition d’une plaque, n’est pas nouveau. C’est souvent un moyen pédagogique pour évoquer sa vie, son œuvre, les circonstances de sa mort. Comme si l’on donnait un coup de projecteur permettant d’imaginer un instant le lieu à l’époque du personnage. Les noms et les adresses qui suivent sont ceux de canuts ou d’hommes et de femmes liés à la Fabrique des années 1831-1834, trouvés dans l’Echo de la Fabrique. Ils ont passé des annonces, écrit au journal ou furent entendus lors de séance du conseil des Prud’homme. Il ne s’agit pas de réclamer une plaque commémorative pour chacun d’eux. Simplement relativiser notre enthousiasme pour d’autres personnages « célèbres » bénéficiant d’une évocation et surtout permettre à chacun, en se promenant dans les rues de la colline, d’imaginer la vie de ceux qui nous ont précédés.

1er arrondissement

Arnaud, monteur de métiers, grande maison Brunet, place Rouville, n°2, au 6me.
Arnaud, rue Flesselles, n° 6, au 2e.
Boisson, Grande-Côte, n. 21, au 3e
Brun, plieur, 6 place Saint-Clair (place Chazette) au 3ème sur le devant.
Champie, place St Clair, (place Chazette) n° 6, au 3e.
Charpy, compagnon ferrandinier chez Bofferding, rue des Tables Claudiennes, n°12 au 2ème
Charvet, rue des Tables-Claudiennes, n° 1 au 1er.
Chatillon, rue Casati (rue Pouteau), n° 1, au premier
Corbet, au Mont-Sauvage, maison Cochet
Couturier, rue Bodin, n° 1, au 3me.
Cusin, Rue Flesselles, n° 6, au 3e.
Dauphin, rue Casati (rue Pouteau), n° 3, au 4e.
Drivon aîné, montée des Carmélites, n. 27.
Drivon cadet, côte des Carmélites, à la barrière de fer.
Dufrène Pugnier, Grande-Côte, n. 28.
Mademoiselle Favier, rue des Pierres-Plantées, n° 3, au 1er.
Favrot, n°15, montée de la Grande Côte. Atelier de 7 métiers
Fayolle, rue Casati (rue Pouteau), n°1, au 6e étage.
Mme Fournel, place Rouville, n. 2, maison Brunet
Gacon Joseph, chef d’atelier, Rue Bodin, n. 16.
Gray, rue Tolozan (rue Pierre Blanc)
Guillaume, rue St Marcel, n° 7 (rue Sergent Blandan)
Juillard, Chef d’atelier, rue Masson (rue du Bon Pasteur)
Lattier, fabricant de peignes à tisser en tous genres, demeurant côte des Carmélites, n° 27, au 1er, est actuellement rue Vieille-Monnaie (rue René Leynaud), n° 2, au 2e, du côté de la Grand’Côte, allée de la fontaine. – Il tient un assortiment complet de peignes neufs et de rencontres, et fait des échanges.
Lisbois, rue Rozier, n. 1,
Lobiosse, rue Coysevox n° 1, 1er
Marthon, Grande-Côte, n° 22
Meunier père, rue des Petits-Pères, (rue des Tables Claudiennes) maison Berry, au 2me.
Moreaux maison Brunet
Nesme, rue Tolozan (rue Pierre Blanc), n° 20.
Perret, rue des Tables-Claudiennes, n° 17.
Raibard, rue Masson, n° 59, au 2me étage (en partie rue du Bon Pasteur.)
Rebeyre, liseur, rue Casati, n° 6. (Rue Pouteau)
Rivière, rue de Flesselles, n° 6, au 1er.
Theullier, rue de Thou, n. 4, au 3e.
Veuve Vincent, rue Tables-Claudiennes, n° 14.

4ème arrondissement

Armand aîné, chef d’atelier, rue de la Visitation (rue de Nuits) n°3
Bonnard, plieur, rue Henri IV (rue d’Ivry) n° 3,
Brun, place de la Croix-Rousse, n° 17, au 4e.
Brunet, chef d’atelier, cours d’Herbouville, ci-devant salle Gayet, à St-Clair.
Buffard, plieur en tous genres : plie les poils de peluche au fil, Grande Place de la Croix-Rousse, n° 23, au 2e étage.
Chaboux, rue du Chapeau-Rouge (rue de Belfort), n° 4, à la Croix-Rousse.
Charpenet, rue de Cuire, n. 35.
Charvet, rue des Fossés (rue d’Austerlitz), n° 7, au 3me.
Collomb, rue Dumenge, n° 1, au 3e.
Depierre, portier à la Croix-Rousse, repos de la Boucle, maison Pairrot
Derobert, chef d’atelier, place de la Visitation (place Bertone). Maison Peyrin
Mme Dufour, Grande-Rue, n° 43, à la Croix-Rousse.
Dufour, chef d’atelier, clos Dumont.
Durand, rue du Chapeau-Rouge (rue de Belfort), n. 19.
Le 15 mars, le sieur Joseph Esquin, ouvrier employé chez le sieur Prunet, ovaliste, demeurant cours d’Herbouville, n° 25, commune de la Croix-Rousse.
Fournier, maître-ouvrier en soie, rue de la Citadelle, n° 1 (partie du boulevard)
Gagnière, rue Dumenge, n° 13.
Garçon, chef d’atelier, rue de la Visitation (rue de Nuits) n°3
Gataz, place de la Croix-Rousse, n° 8, au 2e.
Jourssin, clos Dumond, 4e allée, au 2e
Lablanche, rue Dumenge, n° 8, au premier
Lardet, rue des Fossés (rue d’Austerlitz), n° 8
Levis, rue du Pavillon, n° 3, à la Croix-Rousse.
Maillet, Grande-Rue, n. 107, à la Croix-Rousse.
Martinon, place de la Croix-Rousse, n° 17.
Mauband, place de la Croix-Rousse, n. 22, au 4e.
Mauband fils, rue Dumenge, n° 10, au 3e.
Naudor, chef d’atelier, rue de la Visitation (rue de Nuits) n° 3,
Perton, rue du Chapeau-Rouge (rue de Belfort), n° 4.
Raumieux, rue des Fossés (rue d’Austerlitz), n. 8, au 4mc.
Rojet, fabricant à la Croix-Rousse, rue Calas, n° 4, Christophe Escoffier, ouvrier en soie né à Carouge, canton de Genève, a disparu depuis le 21 novembre.
Sibuet, Grande Rue de la Croix-Rousse, n° 95.
Suiffet, rue du Chariot d’Or, n° 11, au 2e.
Thivolet, rue des Tapis (disparue lors de la création du boulevard) en face de la poste des Chartreux. Verdun, rue du Chariot-d’Or, n° 12

dimanche 6 janvier 2008

Humeur 3

Sur Internet on peut trouver un texte remarquable en trois volets de Philippe Demoule, sur l’histoire de la soierie lyonnaise. Dommage qu’il fasse l’impasse sur les révoltes et surtout qu’il écrive :

« Mais il fallut plusieurs siècles pour que naisse dans la conscience ouvrière une réelle communauté d'intérêts et que gronde la colère en 1831, lors de la Révolte des Canuts, au cri célèbre de "vivre libre en travaillant ou mourir en combattant", accompagnée de la non moins célèbre chanson d'Aristide Bruant :
"Mais notre règne arrivera

Quand votre règne finira!
Alors nous tisserons
Le linceul du vieux monde,
Car on entend déjà
La révolte qui gronde!"

Aristide Bruant est né en 1851 ! Son texte écrit 60 ans après la révolte est un hommage aux canuts. Texte qui tient compte des événements postérieurs et de leurs analyses socialistes, marxistes et anarchistes.

Humeur 2

Le numéro 21 de Grand Lyon Magazine édité par la Communauté Urbaine fait fort dans sa mission d’informer le public sur l’histoire de la soie et particulièrement celle des canuts !
En vrac et sans ordre du n’importe quoi :

« 1810 : Les anciens couvents de la Croix-Rousse sont convertis en ateliers pour accueillir les métiers à tisser Jacquard. »
Ils sont où ces couvents à la Croix-Rousse ? Et pourquoi les canuts ne se sont-ils pas installés dans la cathédrale Saint-Jean ? Le plafond était encore plus haut !!!

« … les traboules permettant de gagner du temps et de protéger la soie des intempéries lors de son transport. »
Protéger des intempéries… nom d’un rat ! L’auteur du texte a-t-il déjà emprunté une traboule des pentes de la Croix-Rousse ? Qu’il le fasse un jour de pluie…et qu’il se munisse d’un parapluie… c’est le conseil d’un usager quotidien. Et puis, on tisse sur le plateau, alors, pourquoi n’y a-t-il pas de traboules ? Franchement on prend les canuts pour des imbéciles. Ils n’auraient pas su protéger leur étoffe ?

« Les canuts prennent les armes en novembre 1831 pour défendre l’application d’un tarif minimal. »
Ils n’ont pris les armes qu’après les premiers coups de feu de la 1er Légion de la Garde Nationale qui ont fait des morts dans leurs rangs.

« Trois ans plus tard, le jugement des meneurs grévistes donne le signal d’une véritable insurrection, écrasée dans le sang… comme la précédente. »
Le procès de 1834 est celui des mutuellistes pas des grévistes de 1831. La précédente, novembre 1831 n’a pas été écrasée dans le sang. Les canuts étaient maître du terrain, occupaient l’Hôtel de Ville. L’armée est à Rillieux. Les canuts regagneront leurs ateliers par leur seule volonté.

« Pourquoi appellent-on les ouvriers en soie, les Canuts : Contraction de l’expression « cannes nues ».
Ils se bambanaient les jambes à l’air ? Soyons sérieux, gardons cette légende pour intéresser les enfants et rapportez-vous au texte qui donne la parole aux tisseurs sur l’origine de ce mot.

Humeur 1

Le bulletin des paroisses catholiques du Plateau, « Chrétiens à la Croix-Rousse » consacre toujours une page à l’histoire notamment celle des canuts. On ne peut que s’en féliciter… à condition que le contenu soit au plus proche de la vérité et que cette page ne se contente pas de reproduire les « gognandises » de sites Internet comme wikipedia qui serait un jour capable de nous dire que Gérard Collomb et le fils de Francisque Collomb comme George Walker Bush l’est de George Herbert Walker Bush.

En effet dans le numéro 3 on lit à propos de la révolte de 1831 : « Le 5 décembre le duc d’Orléans entre à Lyon à la tête de 20 000 hommes. La révolte est matée au prix de 600 morts et l’expulsion de 10 000 personnes. »
Or si le duc est bien venu à Lyon, il n’y a pas eu de répression causant morts et déportations. Les procès intentés contre les leaders de la révolte qui se dérouleront à Riom se solderont par des acquittements.

Dans l’article concernant 1834 : « Les canuts et d’autres corporations dressent des barricades créant, comme en 1831, quelques camps retranchés à la Croix-Rousse, à la Guillotière, à Fourvière… Le 15 avril l’armée vient à bout de l’insurrection. On dénombre à nouveau environ 600 morts et l’emprisonnement de 10 000 insurgés qui seront jugés dans un procès monstre à Paris et condamnés à la déportation ou à de lourdes peines de prison. »
En 1834, les canuts du faubourg de la Croix-Rousse ne pourront prêter main forte aux insurgés, restant bloqués par le dispositif militaire initié par Gasparin sur le plateau. Il s’agit d’une révolte au caractère beaucoup plus politique et l’on entend pendant ces journées « Vive la République », ce qui n’était pratiquement pas le cas en 1831. Il est à noter que beaucoup d’historiens estiment que cette « révolte » est en fait un piège tendu par Gasparin aux Républicains. Il faut être également prudent sur le nombre de tués même si, toute façon, le bilan est toujours trop lourd. Il est certain qu’il y a eu des massacres perpétrés par l’armée, ce qui n’avait pas été le cas en 1831.

L’article consacré aux Voraces indique : « Une nouvelle insurrection aura lieu, mais, bien qu’aussi violente et motivée par les mêmes raisons d’exploitation des canuts, elle n’aura pas la même renommée que celle de 1831. »
La révolte de 1848 aura la particularité de ne faire pratiquement aucune victime contrairement à celle de 1849, menée par les même Voraces et circonscrite sur le faubourg Croix-Roussien. Quand aux motifs de ces chefs d’atelier, ils sont essentiellement politiques, même si bien entendu il y a la volonté d’améliorer le sort des prolétaires tisseurs. Ce sont des Républicains réclamant une République sociale. Pour la petite histoire, ils se réunissaient à l’angle de la rue des Fossés (Austerlitz aujourd’hui) et de la rue du Mail, chez Mme Maréchal qui en effet vendait encore le vin au litre. Personnellement je n’ai lu aucun texte faisant mention de réunion dans l’actuelle cour des Voraces.

Evocation du quartier de Serin

Evocation du quartier de Serin

Je vais vous faire quelques confidences. En venant ce soir à pied j’ai eu tout le loisir de réfléchir sur ce que j’allais bien pouvoir vous barjafler entre deux sommités de l’histoire de Lyon, un historien et un conteur de rue télévisuel et moustachu qui n’a pas sa pareille pour vous faire aimer Lyon. En même temps que je réfléchissais, me venaient quelques images fortes de mes souvenirs d’enfant. C’est pourquoi, comme il y a près de 60 ans, je suis parti de la rue Henry Gorjus, j’habitais au 31 bis en 1943 et je suis aujourd’hui au 34, avec la ferme intention d’emprunter la rue Hénon, de passer devant le lycée Saint-Exupéry qui a remplacé les jardins ouvriers de l’époque. Entre nous, il est fort possible qu’à l’intérieur de cet établissement quelques professeurs et lycéens écologiques ou simplement de bon sens, militent ou écrivent de savantes dissertations sur l’importance essentielle à mettre à la disposition des habitants et de leurs enfants, des espaces où ils puissent découvrir l’intérêt du travail de jardinier sans lequel il n’y a point de bons philosophes, ni de bonnes salades. Donc je m’engage pour emprunter une rue champêtre, la rue Niepce qui a pour moi l’odeur inoubliable… du biscuit…et du poisson !

J’explique. Tout commençait la veille. Mon père, dans notre appartement de 35 m² préparait sur le réchaud une mixture qui d’après lui, allait attirer le poisson immanquablement. Je suis désolé, je ne me souviens plus de la recette, sachez seulement que l’aspect n’était pas terrible et que les poissons qui ont daigné se laisser tenter par ce menu devaient être les plus pauvres de la Saône si j’en juge par leur minceur. Ils n’avaient que les écailles sur les arrêtes. Par la force des choses, il existe une solidarité entre pauvres et c’est pourquoi, je me souviens très bien de mon premier captif à qui j’offrais en arrivant à la maison une demeure en forme de bocal. C’était un poisson chat. Ma mère n’a rien dit alors qu’un pensionnaire de plus, ça pouvait poser des problèmes. C’était une brave femme… Nous partions au lever du jour par la rue Niepce et c’est là, en arrivant tout près du lieu de nos exploits de pêcheurs que l’usine de biscuits Vignal permettait à mon odorat d’inscrire à jamais dans mes souvenirs, l’odeur qu’elle dégageait. A la fin des années 40, début des années 50, Serin était pour moi la Saône et l’odeur de biscuit.

La Saône… peut-être qu’à l’emplacement du gone en culotte courte fixant son bouchon en espérant qu’il s’enfonce résolument, se tenait le 15 juillet 1783, un gone ébahi puis enthousiaste à la vue du premier bateau à vapeur, bateau à roue, en train de remonter la rivière jusqu’à l’île Barbe. Celui de Claude Jouffroy d’Abbans. Plus tard, est-ce peut-être un de ses descendants qui regardait avec tristesse, à la même place, les péniches ambulances accueillant les blessés de la guerre de 14-18 ?
La Saône… c’est aussi un soir, je serrais fort la main de mon père en empruntant de nouveau la rue Niepce mais cette fois, pas pour la pêche… nous n’aurions pas pu… non… mais pour voir d’énormes glaçons dériver au fil d’une Saône gelée (comme en 1608…en 1829) et raser le parapet en menaçant de recouvrir le quai… Un quai pavé avec de chaque côté de la chaussée, des rails. Si l’ancienne « Guillotine » avait disparu, ce tram était paraît-il des plus dangereux, il y avait encore le train bleu ! Si ses rails furent un jour pour moi, la cause d’une pelle monumentale dont mes coudes se souviennent encore, un jour de vélo (mais quelle idée de vouloir faire le grand gognand en essayent de rouler dans le rail !) ce même chemin ferré devait me permettre de commencer mon apprentissage de nageur à l’île Roi. J’avais la sensation en prenant la barque du passeur, de traverser l’atlantique. On ne parlait pas de pollution… du moins n’était-elle pas là mais en aval, justement à Serin. L’usine Gillet implantée depuis 1853, teintait les flottes de soie en noir. C’était sa spécialité depuis 1880. Plus tard la famille Gillet sera la fondatrice de Rhône-Poulenc. C’est une preuve supplémentaire qui démontre que l’industrie chimique est étroitement liée à l’histoire de la soie à Lyon. Je vous fais une confidence : il m’est arrivé très souvent de rencontrer sur le plateau et les pentes de bons gones se réclamant avec fierté d’être les héritiers des canuts. Certains étaient tellement convaincants que j’ai eu parfois l’impression qu’ils avaient tenu le 21 novembre 1831 le drapeau noir portant la devise : « Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant ! » Mais quand je leur faisais part de cette filiation avec la chimie, ils me semblais tout à coup moins certains de revendiquer l’héritage… Et pourtant… Concernant l’usine Gillet il nous reste aujourd’hui un tronçon de voie ferrée devant l’école publique où sont installés les élèves de la SEPR. On pourrait peut-être le conserver. Les Gillet construiront leur villa en 1912, juste au-dessus.

Joseph Gillet savait-il que parmi ses ouvriers, il y avait le père d’Albert Richard ? Il n’a pas de quai, de rue, ni même d’impasse à son nom le gone de Monsieur Richard. Seul les anarchistes qui ont le culte de cette période où nombre d’entre eux s’illustrèrent souvent de façon violente, sans souviennent. Il habitait au 28 du quai de Serin à l’époque. Il créa avec Bakounine, l’Alliance Internationale de la Démocratie Socialiste à Berne pendant le Congrès du 21 au 25 septembre 1868. Il sera, toujours avec Bakounine, le signataire d’une proclamation appelant les Lyonnais à l’insurrection le 26 septembre 1870 « Lyon, deuxième ville de France est la plus portée à pouvoir conduire avec énergie la défense du pays » et les enjoignant de se réunir à l’Hôtel de Ville.

J’en étais là en feuilletant mon album d’images quand brusquement, je me souvins que depuis un dramatique fait divers qui a coûté la vie à une jeune lycéenne, je ne peux plus descendre la rue Niepce. Elle est fermée. Direction le sud pour prendre les Esses ou, si on s’en réfère aux anciens, le chemin de Serin à la Croix-Rousse. Certes ça rallonge, mais en même temps je me suis dit que j’en aurai des choses à vous raconter sur ce fameux chemin ! J’ai donc effectué ce parcours symbole de la mixité urbaine. Une partie demandant une concentration de tous les instants pour ne pas être aspiré par les engins roulants, tous engagés dans une course de côte. Et que vaut ma maigre silhouette au regard de l’automobiliste très inquiet de rater le journal télévisé de 20 h ? Pas grand-chose. Heureusement il y a bien quelques automobilistes respectueux de la vie qui vous permettent de traverser la chaussée. Faut jamais désespérer de l’humanité. L’autre partie, la piétonne, celle qui permet de fouler de vos pieds les feuilles mortes pas encore ramassées à la pelle, demande une attention toute aussi soutenue. En effet, une section du sentier est curieusement munie de barres cimentées étroites posées perpendiculairement, certainement un souvenir lointain de marches d’escaliers, qui transforment votre voûte plantaire en marmelade. Un genre de chemin de croix. Pour rester dans le domaine biblique je ne peux jeter la première pierre à la municipalité d’aujourd’hui, ni même à celle d’hier. En vérité je vous le dis, ce chemin de Serin à la Croix-Rousse a toujours été un problème. Jugez par vous-même :

Le dimanche 24 février 1788, à l’issue des vêpres, la communauté de Cuire-la-Croix-Rousse, qui comprenait 711 feux ou familles, procéda à l’élection de sa première municipalité, en exécution de l’édit de 1787. Elle fut formée de MM. Neyrat, Burel, Pinet, Rousset, Delorme, Bruny, Barraud, Claude Edme de la Poix de Fréminville, Boucharlat, Charton, et comme membre de droit Claude Boulard de Gatellier, seigneur du lieu depuis 1766. Parmi les questions soumises aux délibérations, celle-ci : « Le chemin qui communique de la barrière de Serin à la Croix-Rousse est impraticable, bien que d’une incontestable utilité pour les habitants auxquels il permettrait avec plus de facilité et moins de frais, le transport de leurs comestibles, provisions et matériaux. Il convenait donc de réclamer auprès de l’Assemblée provincial la réparation de ce chemin. »
Fin 1789, le peuple a pris la Bastille, les privilèges abolis, Boulard de Gatellier n’a plus rien. La municipalité se réunit une dernière fois avant de laisser sa place à de nouveaux administrateurs. Dans une déclaration solennelle elle écrit : « La Municipalité n’ayant pu réaliser tout le bien qu’elle aurait désiré procurer à sa communauté, vu les circonstances difficiles où elle s’est trouvée pendant le cours de son administration, a arrêté de consigner… une invitation est faite à la future municipalité de suivre les objets qu’elle a déjà mis au jour et de donner naissance à ceux d’une utilité indispensable, savoir : la restitution au profit de la communauté de terrains appelés demi-lunes ; la suppression des aides et octrois ; la liberté des portes de la ville à toute heure, l’ouverture d’un chemin à voitures communiquant de Serin à la Croix-Rousse etc… »
Le 22 septembre 1790 pour être précis, il est remis à l’administration du district, un rapport sur la situation générale de la commune. Au chapitre évoquant les corvées, il est bien entendu question du chemin de la Boucle, de Cuire et de … Serin.
D’ailleurs le commissaire de police municipal de la Croix-Rousse se plaint également des voies de communication. C’est que Burigniot, c’est son nom, est obligé de se rendre à Serin très souvent pour coller des affiches. Ce n’est pas rien. Sur l’ensemble de la commune, en 11 mois, 3 700 affiches soit, j’ai fais le calcul, plus de 10 affiches par jour par des chemins impossible ! Et ce, pour 6 livres par mois…
Bref, les fenottes et les gones de Serin se sentent abandonnés. Se sentent exclus du plateau. En plus, comme c’est souvent le cas, (à cette époque je précise !) la ville de Lyon prend des décisions sans consulter les habitants de la rive gauche de la Saône. Tenez en 1791 : La municipalité de la Croix-Rousse proteste contre un projet qui ne manquera pas de vous intéresser. On envisage en effet la construction d’un pont sur la Saône, en face de la Pyramide de Vaise, cet obélisque élevé en 1783 sur une place nouvellement crée et que l’on appellera en 1827 place de la Pyramide et en 1944 place Valmy. Ce pont doit aboutir vis-à-vis de la propriété du sieur Déchamp. Pourquoi refusent-ils cette construction ? La rivière, constatent-ils, fait un coude à cet endroit, les bateaux risqueraient d’être jetés contre les arches en cas de grosses eaux. Les intérêts généraux en souffriraient en raison des frais énormes qu’entraînerait l’érection d’un pont qui aurait neuf arches au moins, si on l’établissait sur cette partie très large de la Saône, sans compter la dépense considérable qu’exigerait la construction de fortes culées, et le prolongement du quai jusqu’à la ville. Enfin les intérêts du quartier de Serin seraient lésés en ce que les propriétés de son territoire perdraient de leur valeur par suite de l’éloignement du pont.
La municipalité demande que le nouveau pont soit rapproché du quartier de Serin et placé en regard de la fonderie du côté de Vaise et vis-à-vis du clos du sieur Constant sur le bord opposé. Cet emplacement n’exigera que 3 arches, les 2 culées et une des piles seraient fondées sur le roc, d’où une grosse économie de main-d’œuvre et pleine sécurité pour la navigation.
Vous avez noté qu’à l’époque, on est très sourcilleux sur la valeur des propriétés. Aujourd’hui, on trouve tout a fait justifié la suppression des octrois, ces taxes sur les marchandises qui entre nous ont fait le bonheur de la Croix-Rousse, puisque la vie y était moins chère, notamment en ce qui concerne le vin !
Voilà ce qu’ont peut lire à propos des octrois supprimés : « Les maisons de Serins ont subi une grave dépréciation depuis que les voitures publiques ont cessé de s’arrêter à son port. Cette situation a privé les habitants de cette partie de la commune de leurs moyens de subsistance et en a déterminé un grand nombre à se fixer à Lyon. Les contributions de la commune ont ainsi augmenté en raison de la diminution de ses revenus fonciers. »

Ceci étant dit, de gré ou de force les habitants de Serin acceptent de ce conformer aux mœurs de la période révolutionnaire. En 1794 la fête de l’Etre Suprême fut célébrée à la Croix-Rousse. Le quartier Serin ne fut pas oublié dans ces festivités organisées par la municipalité Croix-Roussienne. Une organisation qui prévoit tout, dans les moindres détails : « Les habitants orneront leurs fenêtres de banderoles tricolores et de festons de verdure (déjà l’écologie) ; les pères et les mères amèneront leurs enfants arrangés aussi proprement qu’il leur sera possible (pas question que les parents démissionnent !) ; les vétérans en tenue y assisteront. Une charrue et ses bœufs, avec tous les ustensiles analogues à l’agriculture et aux arts, ainsi qu’un bateau, orneront le cortège. Un amphithéâtre sera dressé dans le quartier de Serin… (On se croirait en mairie à la réunion préparatoire des fêtes du 8 décembre).
On a également planté un arbre de la Liberté sur la place de Serin. Faut croire que le personnel des espaces verts de l’époque l’a quelque peu oublié puisqu’en 1797 on constate qu’il pourri à sa base, menaçant de tomber. Prévenue du fait par un rapport du commissaire de police, la municipalité demande immédiatement à l’administration centrale du département son approbation, soit qu’elle fasse couper l’arbre pour éviter tout accident, soit qu’elle juge possible de le consolider.

Ce sentiment d’être enclavé, d’être un quartier à l’écart, d’être Croix-Roussiens sans l’être tout à fait explique, du moins en partie, la position des habitants de Serin en 1832. Vous le savez, les 21, 22 et 23 novembre 1831, c’est la révolte des Canuts. S’il y a des tonneliers, des marchands de vin, des mariniers, des verriers, il n’y a Serin qu’un seul métier à tisser. C’est dire que ces événements ne se sont pas déroulés sur cette partie de la colline. Seulement, Serin c’est la Croix-Rousse. Mais une partie de la population n’a aucune envie d’assumer l’image qui sera dorénavant accolée à la colline des Canuts.
En janvier 1832, 52 habitants de Serin représentants la majorité des propriétaires et gens aisés de ce quartier adressent une pétition au ministre du Commerce et des Travaux Publics. Ils dénoncent « la différence de goûts, des habitudes, des mœurs, le défaut de sympathie existant entre eux et les habitants du plateau. Les événements déplorables de 1831 qui ont si tristement signalé la Croix-Rousse et auxquels Serin ne prit aucune part, élèvent entre eux une barrière insurmontable ». En lisant cette déclaration, les élus de la Croix-Rousse vont dire : « Bon, ils veulent leur indépendance ? Qu’ils la prennent ! » Et en juin 1832, la municipalité du faubourg se prononce pour la séparation. Une ordonnance royale du 26 octobre 1832 érige Serin et Saint-Clair en commune indépendantes.
Une bonne affaire pour Lyon qui divise ainsi sa rivale, La Croix-Rousse, et surtout lui permet de régner sur les rives des cours d’eau.
Pendant que la municipalité de Lyon discute pour savoir s’il faut en profiter pour rattacher le plateau à la ville, celle de la Croix-Rousse se ravise. Elle fait traîner la délimitation des contours des trois faubourgs. Elle envoie une supplique au roi pour qu’il surseoit à l’exécution de l’ordonnance de séparation et décide d’un référendum pour recueillir l’avis de la population. En 9 heures les pétitions du Plateau obtiennent 1 300 signatures et dans les quartiers dissidents, 400 personnes signent. Toutes souhaitent le maintien intégral de la commune et de son autonomie vis-à-vis de Lyon. En 1834 Serin et Saint Claire sont de nouveau réunies à la commune de la Croix-Rousse. L’insurrection du 9 au 12 avril 1834 freinera la volonté expansionniste de Lyon.
Cet épisode de tension entre le plateau et le quartier de Serin va permettre une prise de conscience des élus Croix-Roussiens :
La municipalité croix-roussienne admet que les habitants de cette partie de la commune n’ont pas tous les torts. C’est vrai, le plateau est favorisé. Les communications sont mauvaises. Les chemins sont étroits. Trop raides. Ils dénoncent l’éloignement de l’administration municipale. L’absence d’église, d’école, de pompes à incendie. Le Conseil municipal décide d’agir : Réalisation de la montée de Serin, reconnue d’utilité publique. Oui mais… il va s’en mordre les doigts. Les expropriations sont trop onéreuses et obligent la municipalité à s’endetter fortement. Elle ne pourra pas, par exemple, entreprendre la fourniture d’eau. En 1844 la montée en Esses est réalisée ainsi qu’une place et une église aujourd’hui disparues.
Il apparaît que l’on n’ait pas suivi les conseils de Jean François Bunel, un ancien officier de l’Empire venu s’installer à la Croix-Rousse. Cet ancien soldat ne portait guère l’Angleterre dans son cœur (il a du se retourner dans sa tombe quand Edouard Herriot honora Birmingham en attribuant le nom de cette ville dont le maire était son ami, à une avenue en 1955.). Anglophobe il trouva le moyen de terminer son livre sur la Croix-Rousse par ce vibrant appel : « Puisse la ville de la Croix-Rousse prospérer toujours ; la beauté de ses produits répandre sa gloire dans le monde entier ; Lyon, sa mère, en être fière et l’Angleterre jalouse ! » Fin de citation. Dans ce livre écrit en 1842, il dresse le tableau « historique, administratif et industriel de la ville ». C’est ainsi que l’on peut savoir que dans le quartier Serin « il y a une école primaire pour les jeunes garçons et une autre pour les jeunes filles dirigées par les Frères de la Doctrine et par les Sœurs de saint Charles. » On apprend qu’en 1687 les habitants de Serin se qualifiaient « d’habitants du Bourg de la Croix-Rousse ». Il croit voir là, le fait que le plateau dépendait de Serin et non le contraire comme aujourd’hui. Mais le Jean-François Bunel fait quelques propositions concernant le chemin de Serin : Il songe à la construction d’un hospice « qui serait admirablement situé sur le penchant occidental du plateau et sur une des portion des terrains acquis par la ville pour la confection du chemin de Serin au plateau et qui en borderont les rampes. »

Je n’avais pas la prétention d’évoquer de façon exhaustive l’histoire de ce quartier Serin et je sais parmi vous beaucoup de fenottes et de gones qui pourraient enrichir ma petite connaissance et la plupart du temps avec un vrai vécu. Je souhaite qu’on leur offre la possibilité de confier leurs souvenirs d’une manière ou d’une autre. Je terminerai simplement en évoquant la tour de la Belle Allemande qui fut hélas détruite. C’est un texte dont je me souviens plus de l’auteur mais qui montre bien la complexité de la vérité historique. C’est pour cela que j’ai voulu mêler quelques souvenirs personnels :
« La rive gauche de la Saône, grâce au manque d’espace entre la balme et l’eau a moins attiré les constructions industrielles. Des bouquets d’arbre y masquent le coteau, dès la sortie de la ville et d’un de ces îlots de verdure émerge la tour de la Belle-Allemande. Saura-t-on jamais le fin mot sur l’origine de ce donjon de physionomie plus bourgeoise que féodale ? Il occupe assurément la place d’un de ces nombreux postes d’observation et de défense que l’administration romaine éleva, au temps des invasions, tout autour de la métropole des Gaules et dont nous retrouverons maintes traces ailleurs. Cette tourelle se serait appelée tour Barbe, du même nom que l’île. Elle aurait été bâtie par les moines de l’abbaye, afin, dit-on, de surveiller le passage des bateau et d’assurer la perception de certains péages. Hypothèses inadmissibles, car ces sortes d’observatoires sont, d’ordinaire, établis au ras de l’eau. De plus, la tour actuelle ne parait pas remonter plus haut que le commencement du XIVème siècle.
Quoi qu’il en soit, il y eut, de bonne heure un fief de la Tour, dit de la Tour de Champt ou des Champs, pour le distinguer de tant d’autres homonymes. Un nommé Balmont rendait hommage pour ce fief à l’archevêque, en douze cents et quelque.
Quand au nom actuel, les uns ont voulu le faire dériver d’Isabelle Alleman, la nièce d’un des prieurs de l’abbaye de l’Ile Barbe. IL y a aussi la « Belle Allemande », femme de Jean Cléberger, le « bon allemand ». D’autre part, M. Félix Desvernay a relevé, dans une nommée de 1515, un Pierre Bryon qui possède une vigne « joignant la Belle Mande ». Le mot fait penser à « mandement », territoire. Mende étant aussi une forme de « manne », panier, le domaine aurait pu prendre son nom d’une enseigne comme le « Panier Fleuri. Enfin, le vieux français à « mandre » pour manoir.
La légende de la châtelaine enfermée par un mari jaloux, domine le tout. Légende, disent quelques puristes. Mais sommes nous bien sûrs que l’histoire soit autre chose qu’une série de légendes reçues par l’opinion et consacrées par le temps ? Il vient un moment où personne ne conteste plus la tradition et l’histoire commence. »
(Conférence donnée à Serin le 28 septembre 2006)

samedi 5 janvier 2008

Humeur 4

Dans le numéro 6 de L’Esprit Canut, un article signé B.A. (et non pas…A.B. !) fustige une messe en mémoire des canuts, organisée à l’initiative de la République des Canuts. Cet article assez violent pourrait contribuer à une meilleure connaissance de la période des révoltes… si l’auteur avait cherché à connaître l’état d’esprit canut. Trop préoccupé par son « musée » il n’a certainement pas eu le temps. Que cela ne tienne ! Suite à la reproduction de son article, je lui propose l’article paru dans l’Echo de la Fabrique en 1832.

Article de B.A.
Requiem pour les Canuts

Dans le Progrès du 26 novembre un article « anonyme » a attiré mon attention : « Une messe à la mémoire des Canuts révoltés ». Si cette récupération n’était pas aussi douteuse, elle ferait rire. 175 ans avant que l’Eglise ne se soucie de la mémoire des canuts de 1831 ! Pardonnez les offenses, 175, la rancune est tenace ! Une messe célébrée en présence des autorités laïques locales et d’invités de la commune libre de Montmartre, nous sommes sur la bonne voie ! A quand une messe en Notre Dame de Paris à la mémoire des communards de 1870 ? En 2020 sans doute, on peut toujours rêver. Si Monsieur le Maire de la Croix-Rousse veut vraiment honorer la mémoire des canuts, qu’il garde cette mémoire vivante en travaillant avec nous à la création d’un musée vivant des canuts sur la plateau. Quant à Monsieur le Maire de Lyon, qu’il débaptise la rue Gasparin*, cela ne coûtera pas bien cher et ce ne sera que justice !
B.A.


Article de l’Echo de la Fabrique

Samedi dernier, 23 novembre, les chefs d’atelier composant la Société des Mutuellistes, ont fait célébrer un service funèbre en mémoire des victimes de Novembre 1831. La paroisse de St-George, à Lyon, et la paroisse de St Denis, à la Croix-Rousse, ont été choisies pour cette pieuse commémoration, à laquelle ont assisté un grand nombre d’ouvriers de toute industrie.
Nous ne passerons pas sous silence la conduite toute de zèle et de désintéressement de M. Nicod, curé de la Croix-Rousse : non seulement il a consenti à célébrer gratuitement ce douloureux anniversaire avec plus de pompe qu’on n’avait osé en exiger ; mais encore il s’est empressé de contribuer à la collecte faite au profit des blessés, veuves et orphelins de nos trois journées. Honneur au ministre de Dieu qui prêche la morale d’exemple, se souvient qu’il est des victimes qui souffrent et contribue à leur soulagement ! Celui-là est vraiment le représentant de la Divinité, qui compatit aux peines des malheureux. Honneur à M. Nicod !
Collectes faites au service funèbre célébré à la Croix-Rousse : 133 f. 10 c.Id., id., à St-George : 63 f. 95 c.Total : 198 f. 95 c.


*Nous sommes d'accord !

L'énigme de Serin

Serin
L’origine de ce nom se perd dans la nuit des temps. Un massif de rochers, connu sous le nom de porte d’Halincourt (ancien gouverneur de Lyon), existait jadis à la place où était la porte de la ville. Au delà de cette porte on lisait contre une muraille cette singulière épitaphe :

Ci-gît le fils,
Ci-gît la mère
Ci-gît la fille avec le père
Ci-gît la sœur, ci gît le frère
Ci-gît la femme et le mari
Et ne sont que trois corps ici.

Voici l’explication : Un jeune homme sollicitant la servante de la maison à lui accorder un entretien secret, elle en avertit sa maîtresse mère de ce jeune homme, et qui était veuve. Cette dernière lui fit donner rendez-vous la nuit dans sa chambre et se rendit à la place de sa servante sans se faire connaître. De cet infâme inceste, à neuf mois de là, naquit une fille. Le fils, qui avait été faire un voyage de plusieurs années, étant de retour et trouvant jolie cette fille que sa mère disait être orpheline, il l’épousa ; de sorte que de sa fille et de sa sœur il fit sa femme. Ces jeunes gens moururent avant leur mère qui voulut être enterrée auprès d’eux en expiation de ses crimes. Ceci s’est passé vers l’an 1476.

mercredi 2 janvier 2008

L'histoire de la crèche Saint-Bernard

La Crèche Saint-Bernard

La démolition des remparts en 1865 va permettre la construction d’une nouvelle mairie et l’installation de la crèche Saint-Bernard à la place du bastion n°7, le bastion d’Orléans.

L’histoire de la crèche St Bernard est intéressante dans la mesure où elle nous apprend beaucoup sur les conditions de vie des canuts et sur l’état d’esprit de la bourgeoisie catholique de cette époque. On ne saurait détacher l’histoire de la crèche avec la tradition « d’une ville de charité par excellence » pour reprendre les écrits du médecin Gérard en 1878, l’un des fondateur de la crèche. Nous sommes dans les années 1840 et le nombre d’indigents est très important. Les œuvres de toutes sortes sont présentes. Pourtant note le docteur Gérard, « une espèce de misère intéressante avait jusqu’à nos jours échappé à tant de sollicitude : la misère des enfants nouveaux nés. » Pour une fois, c’est à Paris qu’il va y avoir une première réalisation. Marbeau crée l’institution des Crèches en 1844. Deux ans plus tard Lyon crée la Crèche de Saint-Paul et la confie aux sœurs de Saint-Vincent de Paul. En 1850 une deuxième crèche est créée, sur la paroisse de Saint-Polycarpe. C’est celle qui nous intéresse. Elle va être gérée par les sœurs de Saint-Joseph, installée dans un premier temps rue de la Vieille Monnaie (la rue René Leynaud) puis transférée en 1854 dans la paroisse Saint-Bernard, rue Sainte Blandine, au 8. C’est aujourd’hui la rue Diderot.

Comment est cette crèche ?
Elle se compose d’une grande pièce destinée à un atelier de canut et d’une petite pièce, une alcôve typique du logement atelier. Evidemment il y a une soupente où couche le personnel de la crèche, 3 sœurs et trois servantes. Elle est au rez-de-chaussée d’une maison de 5 étages : pas de soleil et un air imprégné de miasmes délétères. En plus il fallait pour y arriver traverser une allée longue, humide et noire. Malgré la propreté rigoureuse à l’intérieur, cette crèche est le foyer continu d’ophtalmies purulentes, de fièvres contagieuses de l’enfance. Le personnel contractait, chlorose, anémie et même la phtisie galopante. Il y a 30 berceaux et en moyenne 20 poupons à soigner. On comprend que les sœurs aient qu’une hâte, trouver un autre endroit. Elles vont préparer un projet qui précise le programme idéal d’une crèche : « Elle devrait se diviser en deux parties distinctes : un bâtiment spécial baigné dans un air sec et pur, reposant de tous côtés sur une large terrasse voûtée, environné de verdure à l’extérieur, l’intérieur très propre, doté d’un système de chauffage à température toujours égale et d’un système de ventilation capable de renouveler l’air en emportant les miasmes qu’exhale toute l’agglomération vivante, muni enfin de tout ce qui peut être utile aux enfants des deux sexes, enfants que l’on réuniraient, sans distinction de culte, dès leur naissance, jusqu’à leur troisième année inclusivement et de quelques paroisse qu’ils vinssent. ». En attendant que la crèche devienne idéale, il faut continuer à accueillir les bébés, il y a d’ailleurs de fortes demandes, bref ça manque de place. Nous sommes en 1860.

Quelles activités à la crèche ?
Les femmes de service « scrupuleusement choisies, convenablement rétribuées et soutenues par le foi et le dévouement prodiguent aux enfants tous les soins que leurs propres mères ne pourraient leur donner chez elles qu’au détriment d’un travail indispensable aux besoins impérieux du ménage. Les enfants à la mamelle y sont allaités deux fois par jour par leurs mères qui viennent à la crèche remplir ce pieux devoir. Le reste du temps les sœurs et les femmes de service leur donnent le complément d’alimentation approprié à leur âge, veillent à la propreté de leur berceau, à la paix de leur sommeil, apaisent leur cris par des chants et des caresse : font en un mot, ce que ne peuvent faire les mères absentes. Elles deviennent le supplément de la maternité. » Les enfants sevrés trouvent eux une nourriture abondante et variée. « Panades, pâtes, potages gras et maigres, café de glands, lait pur ou coupé, vin trempé d’eau, tisane édulcorées avec sucre ou réglisse, houblon, huile de foie de morue, sirop ferrugineux etc.. Et surtout cette gymnastique de la première enfance, indispensable à son développement, sans laquelle apparaîtraient les symptômes de rachitisme et que cependant, les mères, occupées en même temps et des soins du ménage et de travaux manuels continus, sont le plus ordinairement dans l’impossibilité d’apprendre à leurs chers nourrissons… » Il faut également savoir qu’à cette époque comme aujourd’hui la crèche n’est pas une infirmerie, chaque enfant, avant d’y être admis, doit être reconnus bien portant et exempt de toute affection contagieuse.

On cherche toujours un autre emplacement pour la crèche
Nous sommes maintenant en 1864. Des projets de terrains il y en a eu. Le clos Willermoz, entre la montée de la Grande Côte et de la montée Saint-Sébastien, au sommet, dans la rue des Petits Pères (la rue des Tables Claudiennes) du côté de la rue des Fantasques. C’est en définitive le terrain entre la rue Audran et Mottet de Gérando, le terrain entre la grande porte de la Croix-Rousse et la petite porte du fort Saint-Laurent qui va être acheté. Parallèlement à ces recherches, on s’est employé à trouver de l’argent. Le 6 juillet 1864 le sénateur Vaïsse accueille avec empressement l’offre du comité et promet un concours efficace. Il écrit à l’architecte de la ville de Lyon : « des personnes bienfaisantes viennent d’offrir à la ville un terrain situé au-dessus de la place des Brosses (une partie de la place Bellevue), à la charge par la ville d’y faire construire une crèche et une salle d’asile. » La ville pourvoira par des subventions si la somme qu’elles ont récoltée n’est pas suffisante. Enfin une crèche digne de ce nom ? Seulement voilà : nous sommes le 6 juillet et le 29 août Jean-Claude Marius Magdeleine Vaïsse, ce Marseillais qui donné à Lyon la rue de la République, le Palais de la Bourse, le Parc de la Tête d’Or, l’endiguement et les quais du Rhône, défunte à l’âge de 65 ans. Apparemment il n’y a eu aucune délibération officielle en juillet. Il faut recommencer à zéro. On agite ses fumerons dans le comité. On parle d’insalubrité dans la crèche, on va voir le préfet Chevreau, sa femme aussi, on rappelle que Vaïsse avait accepté le projet. Rien n’y fait. Mieux début octobre 1865 la pauvre sœur Alexandre, infatigable religieuse qui porte ce projet depuis le début, s’entend dire dans le bureau de M. Grivet, ingénieur en second de la ville : « C’est pas tous ça ma sœur. Vous savez que l’empereur veut détruire les remparts et mettre à la disposition des Lyonnais une belle promenade à la place. J’ai étudié le dossier. Le terrain que vous avez acheté il pique-plante sur le trajet. Va falloir céder tout le terrain pour le boulevard ! » (Traduction libre) Catastrophe ! Oui mais. Ils sont tenaces les gones. Ils s’accrochent, discutent. On va trouver une solution. Même Chevreau y met du sien. Il se déplace sur le terrain. On va réserver pour la crèche asile, sur l’emplacement du bastion n°7 un terrain complètement isolé de 1600 m², soit 20 m² de moins que la surface acquise précédemment. 1867, la ville va construire à ses frais la crèche. Les canuts vont même apporter à la Préfecture une pétition pour hâter l’exécution de ce projet. Le 29 août 1869, la crèche asile est terminée. Impératrice Eugénie qui était de passage à Lyon vient l’inauguré et va même jusqu’à déposer un baiser sur le front de sœur Alexandre.
Il y aura encore une alerte pour cette crèche. C’est en 1870. L’empereur est déchu le 4 septembre. Il y a quelques troubles sur la Croix-Rousse. Le docteur Gérard écrit : « Sœur Alexandre apprend qu’on lui dispute la possession de son œuvre. Elle accourt aussitôt, au milieu d’une foule hostile à cet habit, et supplie le dictateur du jour, M. Gambetta, d’épargner son Œuvre à peine achevé et destinée à faire tant de bien à la première enfance. » Elle sera entendue.La crèche Saint-Bernard va être très performante. De 1872 à 1877 pour un total de 1398 enfants inscrit, 35 par jour en moyenne, il y a eu 51 décès soit 3, 65 %. Dans les crèches les mieux établies le pourcentage est de 9 pour cent. Il faut savoir que le pourcentage des enfants en nourrice à l’extérieur est effrayant : Sur cent, cinq sont rendus en excellentes conditions… c’est du moins le chiffre qu’avance le docteur Gérard.

mardi 1 janvier 2008

L'histoire des remparts et du boulevard de la Croix-Rousse

L’histoire des remparts de la Croix-Rousse et du boulevard

A la Croix-Rousse, peut-être plus qu’ailleurs, nous adorons brouiller les cartes, faire que celui qui veut évoquer le passé du quartier se trouve confronté à de multiples obstacles, à de nombreuses fausses routes où une parcelle de vérité historique va se heurter à la part de légende, où les mots employés ne sont pas exactement ceux qu’il faudrait employer, où les légendes deviennent vérités, où la vérité se trouve relookée afin d’être conforme à l’idée qu’on s’en fait.

Les exemples sont nombreux. A commencer par le mot canut qui résulterait d’un jeu de mot digne de l’almanach Vermot « … tiens voilà des cannes… nues ! » D’ailleurs dans quelques années peut-être modifiera-t-on cette expression en disant que les maîtres tisseurs lancèrent la mode du bermuda : « tiens leurs cannes sont nues ! ». Toujours à propos de canut, certains tisseurs du XXème siècle se mettaient en colère si on les traitait de « canuts ». Or force est de constater qu’en 1832 des maîtres tisseurs n’hésitaient pas à le revendiquer haut et fort ce terme, adjoignant même le qualificatif courageux à l’époque de Louis Philippe de : « Républicain ! ». Brouiller les cartes, ça nous connaît. En vrac : les traboules qui serviraient à protéger des intempéries les ballots de soie (je vous invite un jour à faire le parcours des tisseurs par temps pluvieux) ; les métiers Jacquard installés dans les couvents de la Croix-Rousse ; les marchands-fabricants qui ne fabriquent rien ils sont commerçants, la porte visible de la rue Aimée Boussange qui serait la porte principale d’entrée et de sortie de Lyon, alors que cette dernière était en haut de la rue des Pierres Plantées ; la place des Tapis qui serait le haut lieu de fabrication de cette pièce d’étoffe… alors qu’il s’agit de la partie herbeuse aux pieds des remparts ; et bientôt la rue du Mail sera consacrée rue où a été inventé le courrier électronique… j’entends déjà prononcer : « rue de Mèle ». Toujours au sujet des tisseurs, certains les voient descendre les pentes le 21 novembre 1831 en chantant le texte de Bruant… écrit 60 ans plus tard, d’autres croient voir apparaître ce jour là pour la première fois, le drapeau noir, drapeau du deuil et de la misère alors qu’il est présent sur le dôme de l’Hôtel Dieu lors du siège de Lyon par la Convention en 1793. Le Gros Caillou n’est pas épargné dans ce déluge de vraies fausses vérités. Récemment les fenottes et les gones s’indignent : « On a mis le Gros Caillou sur le 1er arrondissement ! C’est quasiment un hold-up ! » pétitionnent les habitants du 4ème arrondissement. J’ai vu quelques sympathiques touristes Japonais poser un jour la main dessus en fermant les yeux. Comme sur le buste de Kardec au père Lachaize ! Quand à sa légende que d’autres font remonter à la nuit des temps, elle a été écrite par Emile Leroudier autour de 1930. Même l’épisode tragique de l’Histoire de la Résistance où Klaus Barbie arrêta dans la villa du Docteur Dugoujon, Jean Moulin et ses compagnons, n’est pas à l’abri d’une erreur. Dans le film Lucie Aubrac ne voit-on pas un écriteau lors de la scène où il emprunte la Ficelle : « Funiculaire de la rue Terme » ? Alors qu’il s’agit de celle dite « Croix-Pâquet ».
Je ne déteste pas que l’histoire soit parfois colorée de légendes, après tout je suis d’une génération où souvent l’anecdote, les déclarations approximatives et immortelles permettaient de se passionner pour elle. Mais de temps en temps, il ne faut pas hésiter à passer une couche de couleurs plus authentiques plus conforme à la réalité. Cela n’enlève rien à l’intérêt de l’histoire et c’est pour le moins une marque de respect à l’égard de ceux qui nous ont précédés.

Les remparts :
En 1512, Louis XII va décider de construire de remparts au nord de la ville en remplacement des fossés et des murs du quartier Terreaux. Il les verrait bien en bas des pentes mais le bourg Saint-Vincent se retrouverait hors des murs. Les autorités de l’époque proposent que ces remparts soient édifiés sur le rebord des pentes de ce que l’on nomme la montagne Saint-Sébastien. Le chantier va durer. Il faudra 25 ans. Son financement est original : Le clergé prend en charge la partie côté Saône, un septième du mur, le reste provient des dons des marchands étrangers, des impôts supplémentaires, des subventions royales.

A quoi ressemblent-ils ?

Les pierres proviennent des carrières du versant ouest de la colline puis des carrières de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, plus solides. Ce mur fait 2 km environ, il est haut d’une dizaine de mètres et large de plus de 2 mètres. Il est borné à l’ouest par un bastion en forme de tour, celui de Saint-Jean et à l’est par le bastion de Saint-Clair. Sur le versant côté Rhône le faîte du mur est transformé en escalier. Il faut ajouter 6 autres bastions de formes diverses qui flanquent ce mur au nord, à l’avant du mur des fossés. Le passage s’effectue uniquement par la porte Saint-Sébastien, dans le prolongement de la montée de la Grande-Côte. Un pont-levis permet de franchir les fossés. Une autre petite porte, en haut de la côte Saint-Vincent qui est aujourd’hui la montée des Carmélites. Ces fortifications seront complétées. En 1564 Charles IX fera construire une citadelle imposante dans le secteur de la rue du Bon Pasteur, mais les autorités lyonnaises obtiendront qu’elle soit rasée, 20 ans plus tard. Du côté du Rhône on détruit la tour et on la remplace par une énorme masse de maçonnerie qui est percée par une minuscule porte à peine suffisante pour le passage d’un carrosse. Côté Saône, un nouveau bastion, rectangulaire remplace l’ancien et au-dessus, le fort Saint-Jean est élevé sur le rocher de l’Aigle en partie arasé.

Au XVIIème de nouveau des améliorations. L’ancienne porte Saint-Sébastien fait place à un bastion à l’intérieur duquel il y a un passage coudé et étroit et le pont-levis fait place à un pont en pierre. On rénove également les autres bastions. Des fossés, des demi-lunes, des ouvrages avancés en forme de triangle (les futures places côté nord du boulevard) et précédés de glacis gazonnés ou tapis (les voilà les fameux tapis de la place du même nom). Ces fortifications ont à ce moment là pour objectif de protéger la ville des invasions étrangères. Les événements de novembre 1831 font modifier cet objectif. S’il y a des remparts, ça n’empêche pas les canuts du faubourg indépendant de la Croix-Rousse de se rendre par nécessité économique, régulièrement dans Lyon intra muros. Les négociants sont en bas des pentes, ils leur faut livrer la soie tissée afin d’être payés en fonction de tarifs. Les tisseurs sur soie ont conscience d’être d’abord de l’industrie de la soie. Il n’y a pas de différence entre ceux de Lyon et ceux de la Croix-Rousse pas plus qu’il n’y en a entre tisseurs de Vaise, de Saint-Georges, de Saint-Jean, de Saint-Paul ou de la Guillotière. Malgré tout c’est bien du faubourg de la Croix-Rousse que démarrera la révolte des canuts. Le 21 novembre après une première échauffourée avec la 1er légion de la Garde Nationale, composée d’habitants du quartier des Capucins, des négociants, les canuts rassemblés sur la place de la Croix-Rousse vont descendre par la Grande-Côte avant d’être stoppés, dans un premier temps, par la fusillade de l’angle de la rue de la Vieille Monnaie aujourd’hui René Leynaud. Fusillade qui va déclancher ces trois jours d’émeute, la révolte des Canuts, fondatrice du mouvement social organisé. Pour en revenir aux remparts, à l’évidence, le pouvoir se rend compte qu’ils n’ont été d’aucune utilité lors de ces journées tragiques. « Pas question de se faire avoir une seconde fois ».

Le danger ne vient plus de l’étranger mais il est ouvrier et faubourien. Alors il va réaménager les fortifications, construire de nouveaux ouvrages plus appropriés. D’abord au nord du faubourg : le fort de Montessuy et celui de Caluire. Au sud le fort Saint-Jean est renforcé de murs munis de meurtrières et de canonnières. On y stocke des munitions. Au sud-est, en face du quartier des Canuts, sur 300 mètres, on conforte les bâtiments militaires, on érige une nouvelle caserne, dite des Bernardines à l’Est de la Grande-Côte. Le bastion d’Orléans, en face de la rue du Chapeau-Rouge (rue Belfort) est renforcé. Celui de Saint-Laurent est réaménagé et une caserne neuve s’installe, elle est toujours là. Une nouvelle porte est percée pour permettre aux soldats des casernes Saint-Laurent et des Colinettes (hôpital Villemanzy) de se rendre rapidement dans le faubourg. A l’évidence cette restructuration va être efficace. En effet, lors de la seconde révolte des canuts, celle de printemps 1834, dont l’origine est le renforcement des lois restreignant la liberté d’association, la liberté de la presse et le procès fait aux leaders des mutuellistes, les canuts du faubourg ne pourront à aucun moment venir se joindre à la révolte. L’armée les maintiendra sur le plateau en installant une ligne de feu face à la Grande Rue. Ces remparts vont être encore le théâtre d’une autre révolte, en 1848, celle dite des Voraces, chefs d’ateliers partisans d’une République sociale. Ils proclameront la seconde République avant Paris puis Arago va les convaincre de rendre les armes. Du moins momentanément puisqu’en 1849, c’est de nouveau l’insurrection. Une révolte rapidement réprimée malgré le courage des insurgés. Ce 15 juin 1849 on comptera 26 morts du côté de l’armée et 31 parmi les Voraces.

La création du boulevard :

Ces événements vont laisser des traces dans les esprits mais aussi sur les remparts. On note que les ouvriers en soie, en période de crise, sont souvent employés à restaurer les remparts de la ville. Bref, sans trahir la vérité historique on peut penser qu’ils n’étaient pas en très bon état. D’ailleurs, si le funiculaire de la rue Terme est inauguré le 3 juin 1862, c’est bien qu’on n’a eu aucune difficulté à installer tranquillement la gare d’arrivée. C’est la même chose pour la ligne de chemin de fer entre la Croix-Rousse et Sathonay inaugurée le 30 juillet 1863. Et puis on imagine sans peine les encombrements autours de la porte de la place de la Croix-Rousse. Surtout, depuis le 24 mars 1852, la Croix-Rousse n’est plus indépendante. Un décret de Louis Napoléon Bonaparte qui vient de faire son coup d’Etat le 2 décembre 1851 et qui deviendra Napoléon III un an après le 2 décembre 1852, vient de faire de ce faubourg, le IVème arrondissement. Alors, même si le 20 juin 1865, ce même Napoléon se fend d’une déclaration « pleine d’émotion et de tendresse » à l’égard de la population lyonnaise : « Les fortifications n’ont plus aucune raison d’être ; elles sont inutiles contre l’ennemi et nous ne sommes plus au temps où l’on se croyait obligé d’élever de redoutables défenses contre l’émeute. Un vaste boulevard planté témoignera de ma confiance dans le bon sens et le patriotisme lyonnais », en fait ces remparts sont très encombrants. On va donc les raser en gardant souvent les fondations et les remblais vont servir à installer le boulevard qui devait d’après Napoléon III, avoir 40 mètres de large. Il n’en aura que 36, une chaussée de 12 mètres avec 2 allées latérales de 12 mètres également. On connaît la suite. Ce lieu qu’il a fallu lotir rapidement à cause des vents forts du nord et du sud va devenir la fierté des Croix-Roussiens et accueillir l’extension de deux manifestations sans lesquelles la Croix-Rousse ne serait pas la Croix-Rousse : le marché de la petite place de la Croix-Rousse et la vogue des marrons et du vin blanc doux nouveau, héritière de la fête patronale de Saint-Denis qui était cantonnée dans la Grande Rue, sur la place et le long du gymnase militaire dont il nous reste une porte.

(Conférence du 1er et 4 octobre à la mairie du 4ème arrondissement)