samedi 19 novembre 2011

Jean-Claude Romand, l'auteur de la devise des révoltés de 1831

Des mots, traduits dans toutes les langues, qui aujourd’hui encore sont écrits, proclamés, chantés, analysés, utilisés parfois, soumis à des interprétations les plus diverses, ces mots qui s’attachent pour toujours aux canuts :
Vivre en travaillant ou mourir en combattant

Qui était celui qui en fut l’auteur ?
Qu’elle fut son action pendant les 3 jours de la révolte ?
Comment se termina pour lui la révolte des canuts ?
Mais d’abord quelle source prendre pour mieux le connaître ?
Le plus simple : son livre ! Romand a toujours beaucoup écrit. C’est grâce au procureur du roi près du tribunal de 1ère instance de Nantua, Edouard Servant de Sugny qui en fut l’éditeur en 1846 qu’aujourd’hui que l’on peut lire son livre « Confession d’un malheureux. Vie de Jean-Claude Romand. Força libéré. Ecrite par lui-même. »

Edouard Servan de Sugny est né en 1799, il a pratiquement le même âge que Romand et aime à écrire.

Il a publié une Ode au roi sur la bonté, la sagesse et la fermeté qui ont qui ont inspiré le discours de Louis XVIII à l’ouverture de la session de 1816. Autres livres dont il fut l’auteur La Gerbe Littéraire (1841), Ma vie judiciaire (1847) et ce qui nous intéresse et publié en 1845 « Confession d’un malheureux ; Vie de Jean-Claude Romand, força libéré, écrite par lui-même ».

La « véritable confession » de Romand est précédée d’une introduction assez longue qui donne un éclairage sur les circonstances qui ont amené Servant de Sugny à être en possession du manuscrit et les raisons qui l’ont amené à rendre visite à J-C Romand, par « une sombre et froide journée de la fin d’automne,
mieux vaut dire l’hiver.
Les vents mugissaient, déchaînés. La nature était profondément triste et moi j’étais comme la nature. »
S’il est triste le procureur du roi, c’est qu’au bout de 15 ans d’activité au ministère public, il s’interroge sur les résultats.
« Quel bien as-tu produit ? » Tu as fait punir bon nombre d’individus, tu as envoyé dans les prisons, au bagne, sur l’échafaud, mais combien en as-tu corrigé ? Pas un seul ! »

Enfin pas tout à fait.
Il confie aux lecteurs qu’il
« Remercie la Providence qui pour le récompenser de n’avoir pas désespéré de l’humanité déchue, l’a fait rencontrer sous ses pas un homme qui a réalisé à ses yeux les idées qu’il s’était formées à cet égard. Cet homme, c’est Romand. »

Pour lui Jean-Claude Romand est :
«Né dans la classe de ceux à qui le travail des mains est nécessaire pour vivre,
il rêva une position indépendante,
de doux loisirs,
la domination même sur ses semblables,
et ce n’est pas là encore qu’a été son crime. »

Pour Servant de Savigny il y a plus grave :
« on peut toujours rêver, tout le monde peut s’abandonner en imagination aux chimères qui lui plaisent le plus. »
Non le crime c’est qu’un jour il voulut, les armes à la main, transformer ce rêve en réalité. On le vit, nouveau Spartacus, promener dans une de nos plus grandes et plus florissantes cités le meurtre et la désolation,
lutter contre les forces légales de son pays, animer du geste et de la voix d’autres révoltés comme lui,
travailler à faire crouler le gouvernement régulier pour y substituer le règne de la violence et du despotisme populaire. »

Accompagné par les vents mugissants et même déchaînés, le magistrat fait atteler son cheval à un traîneau et le voila parti dans le Haut-Bugey pour retrouver Romand qui habite depuis sa sortie du bagne à Montréal, son village natal.
Une fois arrivé à Montréal et s’être fait indiquer le demeure de Romand, il va dans un premier temps jeter un œil discret.
« Je descendis de mon traîneau et gravis les quelques marches qui conduisent à la porte d’entrée. Toutefois, avant de frapper, je veux considérer l’extérieur de cette habitation. Je vois avec plaisir qu’un certain ordre et même un véritable goût a présidé à son arrangement. »
Une fois entré,
Romand va l’accueillir avec civilité
« Il a deviné que c’est l’homme des encouragements et non celui de la menace et du réquisitoire qui a franchi le seuil de sa demeure. »
Il voit de nombreux indices qui prouvent qu’il peut y avoir chez les anciens bagnards un désir de normalité. Et la normalité pour notre procureur du XIXème siècle se décrit:
« malgré l’exiguïté du local, tout y est en ordre »
« chacun paraît remplir ses devoirs »
« vous avez encore vos ciseaux de tailleur à la main »
« votre femme se livre aux soins du ménage » « votre belle-mère est occupée à filer ».
Il ne nous manque pour que le tableau soit le symbole de la famille, les chères têtes blondes. Elles arrivent.

Il y avait une petite fille de 5 ans,
« une fine chevelure blonde qui pressait un livre sur son sein et paraissait apprendre quelques chose par cœur. »
Il y avait un petit garçon, Benjamin il a trois ans et pendant que sa sœur récite une poésie devant le procureur du roi, il demande à manger.
« J’ai faim ! ».
Ce simple cri va provoquer chez le procureur du roi une impression extraordinaire.
« Il me rappela que 14 ans auparavant un vol fut commis à Lyon par un homme dont les entrailles étaient depuis 30 heures vides de nourriture ! Et cet homme je l’avais devant les yeux. »
Ce vol perpétré en 1831, nous allons en reparler plus tard.

Mais revenons à la chaumière de Montréal. Peu à peu va se créer, au dire du visiteur un climat de confiance qui permettra à Romand de s’exprimer sur des sujets qui dessine un peu mieux sa personnalité. Par exemple : alors que le magistrat assure à Romand que son repentir et sa bonne conduite ont largement racheté cette faute d’un instant aussi bien que ses torts politiques, il réplique :
« Si la religion couvre d’un pardon sublime, le monde est sans pitié pour l’homme qui a eu le malheur de faillir et d’encourir une condamnation infamante.
Fût-il revenu aux sentiments les plus vertueux, aux principes les plus irréprochables.
Fermant les yeux au présent et refusant de les porter sur l’avenir, ce monde ne les tient ouverts que sur passé déplorable.
Il semble dire à l’homme : « Tu as violé les lois une fois, donc tu es capable de les violer sans cesse.
Tu as été frappé une fois par la justice donc tu es à jamais noté d’infamie. Chacun doit s’éloigner de toi.
C’est un força libéré dit-on ! »

Le dialogue entre le força libéré et le magistrat continue. Jean-Claude Romand noircit à loisir son passé et à propos du vol, il dit : « Dieu tenait sans doute à châtier son orgueil et mes mauvaises passions et il a permis que je me fisse voleur pour devenir plus tard galérien ».

Il y a dans cette introduction au récit de Romand et dans ce qu’écrit lui-même beaucoup de ce type de réflexion, de ces actes de contrition. Sauf, il me semble quand il parle des 3 jours de novembre. On le verra un peu plus loin.

Dans ce dialogue on s’aperçoit que Romand a une vie exemplaire,
les « certificats de bonne conduite », ces attestations obligatoires pour ceux qui reviennent du bagne sont exemplaires.
Le curé, le maire, un juge de paix, un manufacturier, un propriétaire, le médecin, le préposé aux douanes, les religieuses de Saint-Joseph, le greffier de justice, le conseiller général de l’Ain, le major de la 3ème légion de la Garde Nationale… Tous soulignent son intégration et sa bonne conduite. En même temps il continue ses réflexions, notamment sur la condition des prisonniers et particulièrement des bagnards. D’ailleurs Servan de Sugny publiera « Les idées d’un forçat libéré au sujet de la réforme pénitentiaire » où Romand préconise entre autres que le détenu soit visité dans sa cellule par l’aumônier et les divers employés de la prison, auxquels on pourrait ajouter quelques personnes du dehors telles les membres d’associations charitables et même des parents du prisonnier. Ce qui importe, pour lui, c’est d’assurer la non-communication des détenus entre eux.

Cette rencontre entre le procureur du roi et le forçat libéré qui va durée deux heures s’achèvera par la remise du manuscrit à Servan de Sugny. Quand à l’introduction à la Confession d’un malheureux, elle se termine par ces mots, très symbolique d’un état esprit :

« …le produit de la vente de cet ouvrage, s’il se vend, sera consacré à adoucir la position de l’infortunée famille dont je viens de peindre l’intérieur. »

Avant d’en venir aux trois journées de novembre dans lesquelles Jean-Claude Romand fut un témoin privilégié, quelques mots qu’il nous livre sur son enfance et adolescence.

Fils unique d’une famille modeste, son père était cocher chez m’sieur le comte. C’est un enfant précoce puisqu’à 10 mois
«j’articulais une grande quantité de mots et je trouvais des expressions propres à rendre mes petites idées ».

Mieux : sevré à ce moment là… il s’en souvient encore !
Enfant sage, sans problème particulier et une foi quasiment de charbonnier.
A 15 ans ses parents jugèrent qu’il était temps qu’il apprenne un métier et après quelques hésitations, c’est celui de tailleur d’habit qui fut retenu. Il part en apprentissage à Nantua et dans ce domaine également il se révèle particulièrement doué puisqu’après 5 mois d’apprentissage seulement il habille son père des pieds à la tête.

Quelques tourments amoureux au moment de l’adolescence, ce qui n’est pas particulièrement original, si ce n’est qu’il culpabilise énormément et à tout propos imagine qu’il est dans le pécher.

En plus un évènement va bouleverser cet être qui paraît d’une grande sensibilité. Quelques mois avant qu’il passe du statut d’apprentis à celui d’ouvrier, sa mère qui se réjouissait de voir son unique enfant réussir et avoir un bon métier, meurt. Le choc est très fort et dans son livre plusieurs lignes sont consacrées à cette époque d’autant que seulement après 3 mois de veuvage son père se remarie.
Il écrit : « Non, il n’est point de bonne belle-mère ; j’éprouvais dans toute sa rigoureuse acception, cette vérité proverbiale. »

Son apprentissage terminé il revient au pays où il ne tarde pas à ce faire une clientèle….Mais l’amour est là, tapis dans les fourrés du Haut Bugey. Il s’éprend d’une jeune fille employée comme femme de chambre au service de M’sieur le comte. Rien de plus normal me direz-vous !
Oui mais c’est oublié le caractère de Romand et quand il dépeint cette épisode la vie c’est pour écrire :
« Un orgueil funeste à l’homme, un vice odieux qui dénature ses penchants les plus naturels, me fit désirer de l’épouser… plutôt que la simple paysanne qui avait déjà reçu mes serments. »
Il ajoute, non pour se justifier mais souligner combien son comportement était condamnable :
« Mais que voulez-vous, l’une était plus élégamment costumée que l’autre et j’étais flatté de me voir l’objet de ses attentions. »

Alors vont se succéder dîners en cachettes, au frais de m’sieur le comte, il va sans dire, et plus, si l’on en croit ses aveux : « un des principaux moyen que cette jeune fille mettait en œuvre c’était de stimuler ma gourmandise et de fasciner mes sens. » Ils envisagent le mariage mais avant Romand, histoire de se perfectionner veut se rendre à Lyon pour « y prendre le coup de ciseaux des grandes villes ».
Adieux déchirants, larmes aux yeux et « tendre promesses de nous aimer éternellement ». La diligence s’éloigne, fin du chapitre !

On retrouve notre Jean-Claude Romand sur le pont Morand un matin de septembre. Il est à la recherche du domicile d’un cousin germain à sa mère.
Un échange de bon procédé puisque lors du siège de Lyon en 1793 le cousin s’était gravement compromis. Il fut alors hébergé chez eux. Il trouve rapidement du travail chez un tailleur où il va rester 5 mois… le temps d’oublier la chambrière de m’sieur le comte et de s’intéresser …à la femme du tailleur chez qui il travaille.
« Elle était si jolie ! » Seulement, et vous commencez à connaître Romand, il se met à culpabiliser. Un adultère ! Vous vous rendez-compte ! Tant et si bien qu’il décide de rentrer à Montréal.
Pas pour très longtemps. Il est accueillit fraichement « j’y avais retrouvé une marâtre devenue plus méchante jusqu’à vouloir me trancher la nourriture. »
On peut comprendre la marâtre !
Et puis le petit villageois à changé.
Le village est trop petit, il lui faut de l’espace, il lui faut une grande ville qui corresponde à son désir de « courir après la fortune, après les aventures, après l’imprévu. » Et cette grande ville, c’est bien sûr, Paris.

Des rêves de fortune plein la tête, il se rend à pieds à Châlons-sur-Saône puis en voiture jusqu’à Auxerre où il emprunte une diligence particulièrement inconfortable que l’on nomme une patache ; Il arrive dans la capitale à la Saint-Jean de l’année 1820.
Il trouve une place comme garçon tailleur. Ce qui ne l’empêche pas de vivre à Paris grand train. Il travaille, certes, mais ses revenus sont aussitôt dépensés en toilettes soignées. « Mes toilettes soignées et
mon physique qui n’était pas sans agrément me permirent d’être redevable d’assez bonnes fortunes où de grandes dames ne dédaignèrent pas de jouer un rôle actif à mon profit. »

Que ceci est bien dit !

C’est peut-être au jardin des Tuileries qu’il nous faut nous rendre pour comprendre le chemin qui conduira Romand, des dames riches et généreuses, aux canuts de la rue du Mail ou de la montée de la Grande Côte.

Sur un banc des Tuileries, il commente avec un ami les articles du quotidien Le Constitutionnel. Il aime ces longues tirades en faveur de la liberté et contre les Jésuites. Est-ce les prémices d’un comportement qui le conduira le 21 novembre 1831 place de la Croix-Rousse ? Peut-être.

Il s’ennuie à Paris « je reste un simple garçon tailleur » constate-t-il. Et quand on lui propose à Provins un emploi de contremaître, il n’hésite pas. D’autant que son salaire mensuel et de 30 frs, nourri et logé et sans compter les pourboires.
Tout va pour le mieux ?
Et non.
Sa petite moustache frisée (c’est lui qui en parle) va faire des ravages. Elle et lui séduise une jeune femme « d’une classe supérieure à la mienne ». Seulement cette charmante femme est mariée ! Qu’importe ! L’amant et la maîtresse prennent la fuite, direction… Paris.
Spectacles, bals publics, on ne s’ennuie pas.
Mais Romand ne peut se contenter d’être garçon tailleur d’habits, il aspire à une destiné plus grande.

Un ami le conseille : « pour ta carrière rien ne vaut le mariage avec une demoiselle dont le père parvenu et riche n’arrive pas à caser. »
Mais il faut d’abord se débarrasser de la de la dame de Provins. Ce qui fut fait !

Restait à trouver la demoiselle du papa riche.
Ce fut moins facile qu’il ne se l’imaginait.
Peut-être que sa petite moustache frisée de jeune homme de 22 ans, n’agissait pas de façon aussi efficace.

Il se console dans les bras d’une modiste. Cette jeune modiste va s’avérer une personne non dénuée de projets grandioses qui vont entraîner J-C Romand en faillite ! A l’époque c’est la prison de Sainte Pélagie qui l’attend (c’est la même prison où vont séjourner les accusés du printemps 1834). Mais, miracle, un monsieur, connu de sa femme, va racheter ses dettes. Et dans la foulée, son épouse, remarquable femme d’affaires, lui conseille de retourner dans le Haut Bugey. Ce qu’il fit. Il ne resta qu’un mois à Montréal, suffisamment de temps pour vendre l’héritage maternel et priver ainsi son père de ce bien commun.
Retour à Paris où là il va connaître l’autre facette de l’adultère.
Bien moins agréable quand on se trouve dans le rôle du mari trompé.
« Ma femme sortie en même temps que le visiteur. Un soupçon s’empara de moi. Je les suivi pas à pas et je vis qu’ils entraient dans l’impasse derrière la Banque de France. Je n’étais pas très éloigné d’eux. Je les vis s’embrassant tendrement. »
Quelques coups de poings plus tard et une rupture définitive avec sa femme, il se retrouve au n°9 de la rue Notre-Dame-des-Victoires.
Malgré cette vie agitée, il reste un excellent tailleur d’habit. Et quand il se met à travailler sérieusement, ses créations ont quelques succès. Ainsi dans le Journal des Modes on peut voir une gravure ainsi commentée : « Habit sans fausses poches et manches à gigot ; pantalon plissé sur le côté, de l’invention de Mr Romand tailleur rue Notre-Dames-des-Victoires 9. »

C’est à cette qu’un tailleur lyonnais de sa connaissance passant par Paris, lui propose une place de premier garçon…à Lyon !
Ces commentaires sur son retour à Lyon montrent qu’il avait le sens de la formule. Il écrit dans son livre à propos de ce retour à Lyon : « Plût à Dieu que je n’eusse toujours résisté à cette proposition ! Plût à Dieu que je n’eusse pas remis les pieds à Lyon, dans cette ville si funeste pour moi qui devait être le dernier écueil de ma vertu et le tombeau de mon honneur. »

Arrivé à Lyon, il se rend dans le magasin du tailleur pour y prendre la fonction de premier garçon. Cette visite est prometteuse. Le magasin est situé place des Célestins, à l’entresol du Café parisien.
Il loge dans une chambre au 5ème étage.

Va-t-il trouver enfin une vie sereine, s’éloigner des soucis financier ?

Et bien non ! Romand ne tarde pas à voir défilé dans le magasin les créanciers et un beau matin il constate que le tailleur et son épouse ont filé en toute discrétion.

Les créanciers vont alors lui proposer de reprendre le magasin en location ainsi que la chambre. Son talent incontestable va l’inciter à accepter et en effet le magasin repart. « Je travaillais et me trouvais aussi heureux qu’on peut l’être dans mon état. »
Mais il ajoute :
« …mais un génie malfaisant devait venir me poursuivre ou plutôt c’est moi ! C’est mon peu de sagesse. C’est mon orgueil immodéré qui me créa ce génie malfaisant. »

Ce génie malfaisant à quoi ressemble-t-il ?
A ce plaisir de se rendre les dimanches et parfois la semaine, dans des maisons où les personnes qui s’y réunissaient discutaient assez librement de politique.

Un libéralisme prononcé, alimenté par la lecture des journaux de l’opposition (nous sommes en 1827 Charles X règne) ou des pamphlets. On y chante même les œuvres de Béranger. En un mot :
« …on se montait contre l’ordre de choses établi. »

A 27 ans, si l’on fait abstraction de ses commentaires mortifiant, Il reste un homme attaché à certains principes prônés par l’opposition de l’époque. Il a beau multiplier les actes de contrition, on voit bien que sa présence dans ces temps prérévolutionnaires, est loin le fruit du hasard. D’ailleurs une anecdote confirme cette impression :
« Un soir dans une assemblée, un ouvrier en soie m’adressa cette superbe allocution :
« Et toi, Romand, avec ton air rêveur, on dirait que tu n’es pas partisan des idées libérale ?...Tu ferais, je crois, triste figure dans une révolution !
Peut-être pas autant que toi ! » Répondis-je vivement. »
Et d’ajouter pour nous, lecteurs :
« En 1830, lorsque l’on se mit sur la défensive à Lyon, à l’occasion des ordonnances de juillet, et en 1831, aux fatales journées de novembre, mon questionneur se tint enfermé chez lui. C’est que les grands parleurs ne sont pas en général ceux qui agissent le plus au moment du danger. »

De 1827 à 1830 ses affaires se gâtèrent par degré jusqu’à la catastrophe finale.

Après le passage d’un huissier, il ne lui resta qu’un lit et les outils de sa profession.

« J’eu des larmes de rage et de haine forcenée contre le gouvernement » écrit Romand qui bien entendu ajoute : « un gouvernement bien innocent à coup sûr de ma ruine et tous mes malheurs. »

Mais c’est à ce moment là, bien que dans son ouvrage il qualifie cette attitude de « folie », de « crime », que son engagement s’affirme.
« Je me jetais à corps perdu dans la politique et n’entendis plus qu’une émeute populaire pour y prendre la plus large part possible ! »

Les fameuses ordonnances juillet 1830 promulguées par Charles X vont lui en donner l’occasion.

Dans ces ordonnances on trouve, entre autres, la censure sur toutes les publications, la modification de la loi électorale qui oblige notamment au vote à bulletin…ouvert.

Une forte opposition se manifeste qui aboutira à la révolution, à la chute de Charles X et l’arrivée de celui qui au mois d’août 1830 sera proclamé roi de France, Louis Philippe.
Jean-Claude Romand conte cette anecdote sur son état d’esprit après les 3 glorieuses de juillet 1830.

Quand la nouvelle de la résistance aux ordonnances arrive à Lyon et que le courrier de Paris apporte et déploie un petit drapeau tricolore, Romand est là. Il va même se précipiter pour l’embrasser ce petit drapeau mais un homme âgé va le devancer.

Certainement un ancien de la Grande Armée Napoléonienne. « Il était juste qu’il eût les prémices de ce baiser patriotique » conviendra-t-il.
Pas de baiser certes, mais un engagement dans la garde nationale.
Un fusil et il est incorporé dans la deuxième compagnie de grenadier de la 3ème légion.
Sa mission est la première garde au poste de l’Hôtel de Ville. Avant de s’y rendre il déniche chez un avocat un grand sabre de cavalerie.
Il l’accroche à sa ceinture, le fusil est sur son épaule. Il est placé côté Terreaux et voilà que vers 9 heures du matin arrive un monsieur décoré et couvert d’un chapeau à larges bords :
« On n’entre pas ! » fait Romand.
« Je suis le maire » répond le monsieur décoré.
« Je ne vous connais pas » rétorque Romand.

Il fallut que le chef de poste intervienne pour que Prunelle, le nouveau maire, puisse entrer.
On le voit, il ne badine pas avec la discipline.

Il profite de sa première nuit de garde pour réfléchir aux idées républicaines.
« L’égalité, voilà ce qui me séduisait le plus. J’entendais non pas l’égalité devant la loi, la seule raisonnable et la seule possible, mais celle qui consiste à prendre à ceux qui ont, pour donner à ceux qui n’ont pas ».
Il a beau quelques lignes plus tard dire à ses lecteurs, notamment son éditeur :
« Sous la double emprise des passions politiques et de l’intérêt personnel, le jugement de l’homme se pervertit, et le sentiment naturel d’équité, qui le guidait d’abord, lui échappe tout-à-fait ».

Il n’empêche que ces phrases montrent que ce Jean-Claude Romand là et bien proche de celui qui proposa aux canuts la célèbre devise.

Comme garde national son emploie du temps est chargé :
De nombreux exercices à Bellecour, à Perrache, il est complètement absorbé par cette activité et ce au détriment de son travail. Tant et si bien qu’il ne tarde pas à vivre en quêtant des secours de différents côtés :
« A la ferme de la Part-Dieu située sur la commune de la Guillotière où de gros morceaux de pain m’étaient donné »

Un soir il va accomplir un geste qui va lui faire franchir, écrit-il dans ses Confessions, les limites de l’honneur ! Va-t-il trucider un bourgeois sur la place de l’Herberie, place d’Albon aujourd’hui, pour lui voler son argent ?
Oh non ! Ses entrailles sont vides d’aliments et de boissons depuis plus de 24 heures. Alors, il raconte :

« …j’aperçu une planche de la fermeture d’un magasin qui remuait. Je ne pouvais deviner la cause de cet ébranlement, lequel était en réalité occasionné par un vent qui soufflait alors. M’étant approché, je vis que la barre de fer qui d’ordinaire assujettit les fermetures de magasin, avait été oubliée. J’écartais la planche et à la clarté d’un réverbère vis briller l’intérieur d’un magasin de quincaillerie. J’ôtais la planche, je donnais un grand coup de poing à un carreau de vitre qui vola en éclat. J’allongeais le bras, et un vol fut consommé. »

Avec le produit de ce vol qui se monta à 8 francs 50 cts il put pendant quelques jours encore, ne pas mourir de faim.

Arrive octobre 1831.
Romand va être à la fois témoin incomparable et un acteur de la révolte.

Il suit avec attention les négociations présidées par Bouvier-Dumolard sur le tarif. Il est très proche des ouvriers de la Croix-Rousse au point d’entendre le dimanche 20 novembre à 10 h du soir, sur le Tapis de la Croix-Rousse, quatre chefs d’atelier, se dirent mystérieusement : « Adieu ! À demain ! »

Le lundi 21 à 8 heures du matin, il est en compagnie d’un ex sergent de la garde nationale pour se rendre chez un lieutenant des canonniers.

Ils le trouvèrent en train de fourbir ses armes et à déployer son uniforme. Ce lieutenant était donc en service en prévision des troubles. Romand tente de la convaincre de ne rien tenter contre les ouvriers en soie qui ne veulent manifester que pour obtenir l’exécution du tarif.
« Sans aucun actes hostile » précise Romand. L’autre campe sur ses positions :
« Je vous l’ai dit, j’ai reçu des ordres, mon devoir… »
« Votre devoir peut plier lorsqu’il s’agit d’être en présence de ses frères » rétorque notre tailleur d’habits.
Et comme le lieutenant ne répond rien, il lui lance :
« En ce cas, nous nous trouverons en présence ! »

A propos de ce lieutenant, Romand nous conte sa fin tragique.
C’est le mardi 22, montée Saint-Sébastien. Une batterie est mise en place pour faire feu sur les ouvriers qui ont été refoulé en haut de la St Sébastien. Le lieutenant qui commande la décharge est reconnu par les ouvriers. Il est en effet chef d’un café fréquenté par les ouvriers en soie. C’était eux qui l’avaient mis dans l’état de prospérité où il se trouvait. Et maintenant il venait les mitrailler ! » Commente Romand. Les canonniers hésitent à allumer l’étincelle électrique. Alors le lieutenant arrache la mèche de celui qui la tient et met lui-même le feu à la pièce. Les ouvriers font feu en même temps. De nombreuse victime restent sur le carreau ! Dans ce nombre le lieutenant qui est blessé à la cuisse, il se relève pourtant, fait recharger les pièces et commende une nouvelle décharge ; les ouvriers ripostent et le lieutenant reçoit une seconde et cette fois mortelle blessure.

Revenons au lundi 21, sur le plateau de la Croix-Rousse.
Un poste de militaires de la ligne occupait le corps de garde de la barrière de la Croix-Rousse, près de la place des Bernardines. Il fut relevé par un piquet de la garde nationale. D’après Romand, militaires et membres de la garde nationale, fraternisent en buvant quelques canons. Même pas mal de canons. La place de la Croix-Rousse est à deux pas et de nombreux canuts sont présents. Les gardes nationaux, en vidant leurs verres portent des toasts humiliant aux ouvriers en soie :
« A ta santé, canut ! »
« A ta santé, ventre de fromage blanc ! »
« Ah ! Tu veux le tarif ! On t’en foutra ; il est là-dedans, ton tarif » en désignant leurs gibernes.

La tension s’accroit,
un coup de fusil parti des premiers rangs du poste sur les ouvriers qui s’armèrent de pierres.
Très rapidement nous raconte Romand les barricades furent érigées, la générale fut battue en ville.

Et lui que fait-il ? Ce contente-t-il d’observer ?

«Je n’étais pas encore armé et ne pris part à ce conflit préliminaire que par le parole et par la plume. Je haranguai le peuple et composai des proclamations. »

Il est également présent quand le préfet Dumolard et le général Ordonneau se présentèrent vers les ouvriers sur le deux heures de l’après-midi. Et il pas seulement présent. « C’est moi qui contribuai le plus à les faire retenir prisonniers l’un et l’autre pour nous servir d’otages. »

Une petite parenthèse. Quand on lit son ouvrage un grand nombre de chapitres sont plein d’actes de contrition, d’auto flagellation, d’appel à la punition qui parfois cause un vrai malaise. Quand il parle des 3 jours de la révolte, c’est une autre littérature et on peut estimer qu’il fut un des leaders.
C’est ce jour là qu’il propose d’inscrire sur le drapeau des ouvriers ces mots : Vivre en travaillant ou mourir en combattant ! Ce qui fut fait.

A la fin de cette première journée où pour l’instant les insurgés sont seulement maîtres de la place des Bernardine, il rentre chez lui 4 rue Saint-Pierre (le rue Paul Chenavard aujourd’hui)

Le mardi à la pointe du jour, après avoir mis dans ses poches quelques cartouches, il se prépare à rejoindre le plateau croix-roussien quand brusquement arrive dans sa chambre une jeune femme avec laquelle il avait quelques relations qui lui supplie de ne pas retourner aux combats. Il a alors cette réponse qui ne manque pas de grandeur :
« Vous avez l’adresse de mon père. Si je ne réparais pas écrivez-lui que j’ai pris part aux évènements de Lyon, en Vrai républicain et pour la cause du peuple…que je suis peut-être mort ! »

Une fois dehors il se rend rapidement compte qu’il n’est pas aisé d’atteindre la colline. Les soldats de la ligne, de dragons et de gardes nationaux sont partout.

« Je parcourus successivement les quartiers de la place Neuve des Carmes près de la Grande Côte, le bas de la montée des Carmélites et revins essayer le passage de la rue du Griffon et de là par la Côte Saint-Sébastien. Je ne pus réussir. »
Quand il arrive rue Puits Gaillot, il entend le premier coup de canon tiré en direction des Brotteaux par la batterie de l’entrée du pont Morand.
Il poursuit sa route, désireux de participer aux affrontements. Il passe rue du Garet, emprunte la place du Collège, affronte verbalement un marchand tailleur de la garde national qu’il connaît, arrive rue Gentil, monte jusqu’en haut de la rue de la Gerbe où il essuie avec d’autres, une décharge des soldats de la ligne.
Il est temps de s’armer, de se défendre dit-il au petit groupe.

Ni approbation, improbation. Il quitte cet endroit pour rejoindre le quai de la rive gauche de la Saône, au bas du pont de la Boucherie des Terreaux. De nouveau un groupe d’hommes sans arme et de nouveau il essuie une décharge des soldats qui étaient arrivés sur le quai, par la rue des Augustins. Ayant une fois encore tenté de convaincre ses compagnons du moment, de s’armer, sans succès, il se dirige vers la rue Basse Grenette (rue de Brest). Un peloton de militaire est placé au milieu de la rue Grenette, à l’aboutissement des rue de l’Aumône et des Quatre-Chapeaux et fait feu sur un groupe au fond de la Grenette. Il quitte brusquement le secteur et se dirige rue Saint-Dominique (rue Emile Zola).

Là, un nombre considérable de personnes se trouvent devant le magasin de Monsieur Brunéel, armurier.

Romand réclame des armes.
Il s’entend dire qu’on s’était emparé de celles qui se trouvaient au magasin et qu’on ne pouvait plus en avoir. Il n’apprécie pas du tout et décide de monter au 1er étage où se trouvent les appartements et les ateliers.

Il frappe à la porte :
« je demande une arme, dis-je.- On m’a tout pris ce matin répond le propriétaire, la populace a dévalisé mon magasin. – C’est possible, mais moi, je ne viens point ici pour vous dévaliser, et je dois faire exception. »

Il est convaincant et promet de rendre l’arme s’il n’est point tué. On lui donne une carabine, en parfait état de service, qu’il cache pour ne pas susciter des convoitises, sous sa redingote. Il se rend aussitôt rue des Quatre-Chapeaux où un groupe d’ouvriers s’est formé, sans arme.
Quelqu’un aperçois sa carabine, on le prend aussitôt pour un commis-négociant : « Il faut le désarmer ! Il va se battre contre les ouvriers ! » Romand recule, prend la carabine par le bout du canon : « Le premier qui approche va s’en repartir ! Insensés ! Je suis du peuple et pour le peuple ! »
La confiance renaît.
On lui indique la position des militaires qui ont déjà fait feu.
Il charge son arme. La détonation de sa carabine est saluée par des acclamations. Tout en rechargeant son arme, il court en direction des halles de la Grenette. Il franchit le portail et se retrouve nez à nez avec un peloton de soldats.
Son coup de carabine part en même temps que la fusillade du poste des soldats. Il reçoit de nouveau bravos et il récolte deux trous, des traces de balles, dans la jupe de sa redingote.
Après quelques échanges de tirs violents, le poste de la ligne se replie du côté de la place des Cordeliers. Romand emprunte la rue Grenette, passe devant la pharmacie Guilliermond.
On le fait entrer, on lui fait boire un verre de vin mêlé d’eau. Des militaires blessés sont également là. Et comme des insurgés, eux aussi dans la pharmacie, injurient les soldats en leur reprochant d’avoir tiré sur le peuple, Romand s’interpose en expliquant que les soldats avaient été fidèles à leur consigne et s’étaient parfaitement conduits. Mais grandeur d’âme ne veut pas dire naïveté et il fait saisir les armes et les munitions des soldats et les répartit entre les insurgés.
Un plus tard, c’est un garde nationale qui lui doit la vie. En effet alors que ce dernier était à deux doigts d’être lynché, il se présente et les menaces cessent. Il a acquis une certaine autorité.

Les combats font rage sur la place des Cordeliers. Je suis présent mais je suis secondé par des hommes armés. L’armée est obligée de reculer et les soldats disparaissent dans les rues et les allées. C’est à ce moment là, que je m’aperçois que ma main saigne. Une simple égratignure. Le maître de l’Hôtel du Cheval Blanc me fait un pansement sommaire. Et me voilà repartit place du Concert où stationne une foule considérable d’insurgés. Et quand j’arrive je suis accueilli par ces cris :

« Voilà celui qui, seul, a repoussé le poste de le rue Grenette. Bravo, bravo! »

Je deviens tout naturellement à ce moment là, le chef d’un groupe. D’ailleurs ma première question est : « Voyons où en sont les affaires ? » On m’assure que la retraite des troupes est générale sauf du côté du pont Morand, dans la Maison Oriol, où reste encore des soldats et des gardes nationaux. Après discussion, il est décidé de ne pas poursuivre pour l’instant le combat et d’attendre le lendemain. »

Bien qu’épuisé Jean-Claude Romand va encore se distinguer :
Il chasse ce qu’il appelle les hommes-vautour ceux qui viennent dépouiller les cadavres

Il évite qu’une baraque en planche près de la voute du collège ne soit incendié
Il fait disperser les fagots mis par les insurgés devant le café La Perle pour l’incendier, coupable d’avoir hébergé des gardes nationaux.

La situation en cette fin de deuxième journée d’émeute : Les forces réunies de l’armée étaient concentrées sur l’Hôtel de Ville et dans les rues adjacentes.

A trois heure du matin, Romand assis près du feu de bivouac, la carabine placée perpendiculairement sur ses genoux, ses deux mains collées sur cette arme et soutenant sa tête, fut tiré brusquement de sa rêverie par les cris :

« Aux armes ! Aux armes ! »

A ce moment l’armée déboucha du côté de l’Hôtel de Ville et les insurgés durent se disperser. En fait l’armée commandée par le général Roguet opérait sa retraite par le faubourg Saint-Claire. Comme il n’y avait plus rien à faire en ville, Romand regagna son domicile et se coucha tout habillé.

Au matin du 23 novembre il fut rapidement informé que la ville était aux insurgés. En sortant il passa devant la maison Oriol en flamme et monta sur le plateau de la Croix-Rousse. Il s’aperçu alors que le bruit de sa victoire sur le poste de la rue Grenette était déjà arrivé dans le faubourg.

« Je fus reçu par des acclamations et des transports inexprimables. On me louait de mon courage, on me félicitait sur mon adresse et des cris de Vive Romand sortirent même de plusieurs bouches. »

S’il ressent un sentiment de joie et d’orgueil, il n’en demeure pas moins très réaliste.

« Je n’aperçus rien, dans les sentiments du peuple, qui dût me faire penser qu’il appuierait de son concours les vues du parti républicain. » Les ouvriers en soie avaient la victoire ; mais ils ne savaient déjà plus qu’en faire, et ils se croisaient les bras, regardant leur tâche comme finie. »

Il se rend à l’Hôtel de Ville occupé par les insurgés et c’est la déception pour ce républicain.

« L’autorité était entre les mains d’hommes que je connaissaient pas. Quelques noms étaient arrivés à mes oreilles mais pas assez pour que je puisse dire : Voilà un homme qui sympathise d’idées avec moi. »

Il va malgré tout essayer d’entrer en contact notamment avec ceux qui siégeaient dans ce qui était appelé à ce moment là, le gouvernement.
O douleur ! Ô déception cruelle ! (c’est dans le texte)

Non seulement personne ne veut l’entendre mais on lui adresse des paroles blessantes. Il en tire le constat suivant :

« Les intrigants qui étaient parvenus aux degrés supérieurs de l’échelle sur le dos de malheureux tel que moi, repoussaient du pied jusqu’au dernier échelon ceux qui avaient versé leur sang pour le triomphe d’une cause dont l’égalité avait formé le drapeau. »

C’est véritablement écœuré qu’il quitte la scène politique avec la ferme volonté de ne plus jamais reparaître.
Hélas pour Jean-Claude Romand ce n’était pas tout à fait terminé pour lui.

Dès l’entrée le 3 décembre de l’armée dans la Lyon, vont se multiplier les arrestations.
S’il n’y eu pas de massacre, les canuts avaient repris le travail, il y eu les arrestations.

Evidemment Romand s’attend à ce que la police vienne le chercher pour l’interroger et vraisemblablement l’emmener à la prison d’arrêt dite de Roanne. Malgré les conseils de ses proches il refuse de passer à l’étranger.
Tant et si bien qu’un jour du mois de janvier 1832, alors qu’il traversait l’Hôtel de Ville, un homme l’accoste qui paraît le connaître et lui demande s’il a retiré son livret. Livret qui permet de travailler. Romand qu’il l’a payé mais pas encore retiré répond qu’il va le faire incessamment. L’homme le quitte, parle au passage à trois individus et disparaît. L’un des trois hommes s’approche de Romand, l’invite à se rendre à l’invitation de M. Prat. Romand ignore qui est ce monsieur et refuse d’aller le voir. En fait il n’a pas le choix :
« C’est le commissaire central et pas de rébellion, car on saurait vous contraindre »
Jean-Claude Romand comprend qu’il vient d’être arrêté.

Il est conduit après interrogatoire dans les caves de l’Hôtel de Ville. On le fouille, et on lui prend sa bourse et son portefeuille dans lequel se trouvait la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Voilà qui ne va arranger ses affaires.

On pourrait faire sans problème une autre soirée sur un aspect particulier de sa vie en prison. Romand détaille ses rapports avec les autres prisonniers, les grandeurs et les faiblesses de chacun, les personnes rencontrés. Par exemple Granier, rédacteur et gérant du journal La Glaneuse dont le sous-titre est journal des salons et des théâtres mais qui dans un article daté du 21 novembre, écrit :

« A l’heure où nous écrivons, on s’égorge dans les rues, le sang fume sur le pavé. Nos sympathies, elles sont pour la plus nombreuse et la plus pauvre. Aujourd’hui et nous serons les défenseurs ; aujourd’hui et toujours nous revendiquerons pour elle les droits sacrés de la justice, de l’humanité… »
Pour un journal de salons et de théâtre, c’est pas mal.

Pendant des dizaines de pages nous pouvons le suivre, à la prison de Montbrison, et bien sûr au tribunal de Riom où devaient s’ouvrirent les assises devant lesquelles ils devaient comparaître.
Il ne passera devant ses juges que le 22 juin 1832, alors que déjà tous les inculpés, à l’exception de 2 convaincus de vol d’argenterie dans la Maison Oriol, sont relaxés. Il est le dernier à passer. Il pense que son affaire est des plus graves. Mais ce n’est pas tout à fait celle à laquelle il pensait, c'est-à-dire, son action pendant la révolte.

L’histoire de la quincaillerie va le rattraper. Il sera condamné à 5 ans de bagne et "seulement" à deux ans de prison pour sa participation à la révolte

Discours du lancement de Novembre des Canuts

L’objectif de Novembre des Canuts a été depuis sa création en 2008 de redonner la parole aux tisseurs de soie du XIXème siècle mais aussi, dans le même temps, d’entendre les ouvrières et ouvriers d’hier et d’aujourd’hui, quel que soit leur secteur d’activité.
C’est son originalité. C’est ainsi qu’au fil des éditions ont été abordés des sujets divers mais qui ont toujours été au centre des préoccupations des canuts du journal L’Echo de la Fabrique : la presse ouvrière, les prud’hommes, la condition ouvrière féminine et aujourd’hui la révolte de 1831 et les problématiques contemporaines liées à la valeur-travail.
Mais pour avoir une vision complète de ce formidable laboratoire d’idées sociales qu’était L’Echo, de nombreuses autres éditions témoignant de la richesse des analyses, des réflexions et des propositions des ouvriers en soie seront encore nécessaires. D’autant que cette approche nous conduit à revoir certains clichés ancrés profondément chez beaucoup.
Nous osons le dire, nous avons la prétention de bousculer les certitudes rassurantes parce qu’en dépassant les légendes qui entourent cette période et où chacun puise ce qui le conforte dans ses convictions, nous pouvons voir plus clairement les points de convergence entre les réflexions qu’ont menées les canuts et nos analyses sur la situation des ouvrières, ouvriers et employés, d’aujourd’hui.
Autre originalité : la préparation de Novembre des Canuts est effectuée par un collectif composé d’organisations, d’associations, structures et de personnalités différentes mais attachées au patrimoine humain de La Fabrique.
Cette édition 2011 ne déroge pas à cette ligne de conduite. Et, sans exclure des collaborations avec d’autres acteurs du patrimoine, nous continuerons à fonctionner de cette manière.
Il y a un an, lors du lancement de la 3ème édition de Novembre des canuts, nous nous félicitions de ce que Lyon se décide à remettre au premier rang ce qui a fait sa renommé :
La soie, ceux qui la commercialisaient, ceux qui la tissaient. Certes, si c’est à ces derniers que nous resterons fidèles nous avions clairement exprimé notre volonté de nous mettre au service de ce qui ne s’appelait pas encore « Label Soie, des Canuts à la création contemporaine ». Ce qui fut fait.
Dans le même temps nous réaffirmions que nous mettrions toute notre énergie pour que cette période essentielle de l’histoire de la classe ouvrière ne disparaisse pas au profit des flonflons d’une fête plus ou moins soyeuse.
Cette première édition de « Label soie, des Canuts à la création contemporaine », pilotée par les musées Gadagne, dans sa préparation et son programme nous ont rassuré même si bien sûr nous devons rester attentifs. Nous savons par expérience qu’une dérive peut toujours se produire au fil du temps, surtout quand on sait que par essence, le terme générique de la soie recouvre des regards différents, parfois opposés.

L’histoire de la soie et des canuts n’est pas un long fleuve tranquille coulant dans les vertes prairies du pays des bisounours. C’est une histoire rude, parfois dramatique, souvent témoin d’une incompréhension entre les différents acteurs de la Fabrique du XIXème. Et pourquoi s’en cacher, c’est une histoire qui se poursuit aujourd’hui dans l’industrie de la soie et du tissage avec souvent des problèmes semblables.
Mais, le collectif de Novembre des Canuts mis en place nous le démontre depuis plus de 3 ans, nous savons qu’il est possible, les uns et les autres, de travailler ensemble, chacun gardant se personnalité et agissant pour que les acteurs de cette formidable aventure, quel qu’ils soient, reçoivent pendant cette quinzaine l’hommage qui leur est du et que nous puissions montrer que Lyon a su gérer et faire fructifier l’héritage que ces hommes et femmes nous ont laissé. Il y a un an nous annoncions le thème de l’édition 2011, thème qui s’imposait, le 180ème anniversaire de la révolte des canuts. Nous avons vu avec plaisir que beaucoup ont partagé ce désir.
Il s’agissait alors de ne pas sombrer dans une commémoration pleurnicharde en oubliant les apports sociaux que cette révolte a pu générer.
C’est pourquoi nous avons titré cette 4ème édition : « 1831-2011 l’écho de la révolte. » Ce thème montre en effet notre volonté de renouer le fil entre passé et présent. Quelque soit l’angle choisi et le type de manifestation : conférences et débats, exposition, spectacles, déambulation, table ronde, ateliers participatifs, jeu de piste pour les enfants, nous avons voulu donner un éclairage particulier sur cet événement dont les répercussions sont encore perceptibles aujourd’hui.
Nous avons voulu également que cette manifestation accueille d’avantage d’intervenants et s’étende au-delà du secteur oriental de la colline de la Croix-Rousse. Eglise Saint-Denis, théâtre de la Croix-Rousse, musées Gadagne, bourse du travail, centres sociaux de la Grande Côte et de Pernon font aujourd’hui leur entrée dans Novembre des Canuts… et nous avons bien la ferme intention de ne pas nous arrêté là… puisque ce fut également la volonté des acteurs de La Fabrique du XIXème siècle

lundi 7 novembre 2011

Le programme de Novembre des Canuts

EDITO :

L’objectif de Novembre des Canuts a été depuis sa création en 2008 de redonner la parole aux tisseurs de soie du XIXème siècle mais aussi, dans le même temps, d’entendre les ouvrières et ouvriers d’hier et d’aujourd’hui, quel que soit leur secteur d’activité. C’est son originalité. C’est ainsi qu’au fil des éditions ont été abordés des sujets divers mais qui ont toujours été au centre des préoccupations des canuts du journal L’Echo de la Fabrique : la presse ouvrière, les prud’hommes, la condition ouvrière féminine et aujourd’hui la révolte de 1831 et les problématiques contemporaines liées à la valeur-travail. Mais pour avoir une vision complète de ce formidable laboratoire social qu’était L’Echo, de nombreuses autres éditions témoignant de la richesse des analyses, des réflexions et des propositions des ouvriers en soie seront encore nécessaires.
Autre originalité : la préparation de Novembre des Canuts est effectuée par un collectif composé d’organisations, d’associations, de personnalités différentes mais attachées au patrimoine humain de La Fabrique. Cette édition 2011 ne déroge pas à cette ligne de conduite. Et, sans exclure des collaborations avec d’autres acteurs du patrimoine, nous continuerons à fonctionner de cette manière.
Le thème de cette année évoquera la révolte des 21, 22 et 23 novembre 1831. Il ne s’agira pas pour le collectif d’en faire une manifestation de simple commémoration mais d’offrir à travers les débats, les expositions, les conférences, les spectacles, un éclairage particulier sur cet événement dont les répercussions sont encore perceptibles aujourd’hui. Cette année Novembre des Canuts s’inscrit dans une manifestation plus large qui fédère d’autres acteurs de la soie et de l’Histoire de la ville et qui est pilotée par les Musées Gadagne. Ce festival de la soie et des canuts accueillera des rendez-vous divers, des regards différents, conformes à la complexité de l’industrie de la soie, de La Fabrique, du XIXème siècle. Les créateurs de Novembre des Canuts ne peuvent que se réjouir de voir enfin Lyon redonner la parole à ceux qui ont fait sa renommée et sa richesse, qu’ils soient dessinateurs, négociants, chefs d’atelier, fabricants d’étoffes de soie, ouvrières et ouvriers en soie…

Robert Luc et la Compagnie du Chien Jaune.


Collectif Novembre des Canuts :

Le programme de Novembre des Canuts est le fruit d’un collectif regroupant les personnes et les organismes qui se sont spontanément mobilisés à l’issue de la première édition de Novembre des Canuts afin de soutenir et d’enrichir le projet.
Les membres du collectif Novembre des Canuts : L’esprit canut, l’Institut d’Histoire Sociale CGT Rhône Alpes, la Maison des Canuts, la République des Canuts, Soierie Vivante, les organisations syndicales : Union Locale des Retraités du Plateau CFDT, Retraités Cheminots CGT, l’Association Française des Femmes diplômées des Universités, la Société des Amis de Lyon et de Guignol. Plusieurs membres du collectif sont également investis à titre individuel.

Festival Label Soie
Des canuts à la création contemporaine :

Le paysage culturel lyonnais s’enrichira cet automne d’un nouveau temps fort piloté par les Musées Gadagne et regroupant de nombreuses initiatives existantes ou en cours de création autour de l’industrie de la soie et de son histoire.
Lancement de la manifestation le 10 novembre autour d’un Apérobjet aux Musées Gadagne sur les canuts et l’insurrection de 1831.
Plus d’informations sur l’ensemble de cette manifestation qui se déroulera sur la dernière quinzaine de novembre : http://www.gadagne.musees.lyon.fr/

PROGRAMME :

DU 14 AU 26 NOVEMBRE
La Révolte de 1831
Exposition – entrée libre
Maison des Canuts
10-12 rue d'Ivry 69004 Lyon
du lundi au samedi de 10h à 18H30

En partenariat avec la Bibliothèque Municipale et les Archives Municipales de Lyon.


MARDI 15 NOVEMBRE
Qui était J.C. Romand, l’auteur de la devise : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant » ?
Conférence - entrée libre – 18h
Mairie du 1er arrondissement - Salle du Conseil
2 place Sathonay 69001 Lyon

La célèbre devise : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant » a comme auteur Jean-Claude Romand. Mais que veut dire cette formule ? Et qui était ce tailleur d’habit, condamné à Riom à deux ans de prison pour avoir participé à l’émeute de novembre, à cinq ans de travaux forcés pour vol et qui une fois libéré regretta cette formule devenue immortelle ?

Conteur de rues et « historien » de la Croix-Rousse, Robert Luc est cofondateur avec la Compagnie du Chien Jaune de Novembre des Canuts, secrétaire de Tourisme Croix-Rousse.


MERCREDI 16 NOVEMBRE
LʼOdyssée des tisseurs de Lyon, de Louis XI à 1830
Conférence à deux voix – participation aux frais (libre) – 19h30
Lieu : Cifa St Denis
77 grande rue de la Croix-Rousse 69004 Lyon

Venez écouter la passionnante aventure de la communauté des tisseurs en soie qui a façonné l’histoire de Lyon durant quatre siècles. Une présentation à deux voix.

Par Bernard Warin (L’esprit canut) et Françoise Chambaud (L’esprit canut et vice-présidente AFFDU-Lyon).


JEUDI 17 NOVEMBRE
Les Canuts et l’Eglise
Conférence – entrée libre – 19h
Eglise Saint Denis
4 rue Hénon 69004 Lyon

Max Bobichon a été il y a quelques années curé de l’Eglise Saint-Denis, celle des canuts en 1831. Ce fut pour lui l’occasion de faire un véritable travail d’historien sur cette période. Il était tout désigné pour parler de cette relation entre les tisseurs de soie et l’Eglise, relation qui ne manquera pas d’en surprendre plus d’un.

Par le père Max Bobichon.


VENDREDI 18 NOVEMBRE
Un fabricant nommé Arlès-Dufour
Conférence - entrée libre – 15h
Musées Gadagne - Petit théâtre
1 place du Petite Collège 69005 Lyon

Conférence sur François-Barthélémy Arlès-Dufour (1797-1872), humaniste et industriel lyonnais. Il s’agit d’un fabricant de soierie (maison Dufour) qui n’a pas rejeté l’application du Tarif et qui écrivait dans l’Echo de la Fabrique.

Jean Butin est agrégé de Lettres, écrivain, historien, membre actif de Soierie Vivante.


VENDREDI 18 NOVEMBRE
Déambulation théâtrale et musicale « sur les pas de la révolte »
Rendez-vous à 18h
Place Bertone 69004 Lyon

Les 21, 22 et 23 Novembre 1831 la ville de Lyon a été le théâtre d'une révolte ouvrière emblématique et encore peu connue. Du plateau de la Croix Rousse à la prise symbolique de l’Hôtel de Ville, le public est invité à suivre le trajet emprunté par les canuts lors de la révolte de 1831. Le parcours sera ponctué de surprises théâtrales et musicales.

Mise en scène : Valérie Zipper
Avec les interventions de Robert Luc, Guignol (Guignol un canut dans la tourmente de Gérard Truchet, interprété par la Cie Daniel Strèble-Guignol un gone de Lyon et la République des Canuts), Maurice Jeanniard, Laurent Lefebvre et la Cie du Chien Jaune.


SAMEDI 19 NOVEMBRE
Table ronde : « De Novembre 1831 à Novembre des Canuts : regards croisés et mises en perspectives sur la révolte des 21, 22, 23 novembre 1831 »
Entrée libre – 14h30
Maison des Associations du 4e arrondissement de Lyon
28 rue Denfert-Rochereau 69004 Lyon

La connaissance de la révolte qui nous est transmise par l'historiographie récente est en constant enrichissement depuis la première édition de Novembre des Canuts. En parallèle de la transmission des études scientifiques les plus récentes sur la Fabrique et les canuts, l’intérêt de cette table ronde ouverte au grand public est de réfléchir sur le dialogue engagé depuis 2008 entre les chercheurs et les acteurs du patrimoine croix-roussien ainsi que les structures largement impliquées dans la valorisation de la mémoire ouvrière locale.

Modérateurs : Valérie Zipper (Compagnie du Chien Jaune, co-organisatrice de Novembre des Canuts) et Robert Luc (co-organisateur de Novembre des Canuts).
Avec Ludovic Frobert (directeur de recherche au CNRS en économie et gestion), Michèle Riot-Sarcey (Université Paris-VIII-Saint-Denis), Alain Cottereau (directeur d’études et de recherche EHESS-CNRS), Simon Hupfel (maître de conférences à l’Université de Mulhouse) et Georges Sheridan (Université de l’Oregon). Intervenants sous réserve.


LUNDI 21 NOVEMBRE – 20h
MARDI 22 NOVEMBRE – 18h30
Goguette
Spectacle au Théâtre de la Croix-Rousse – Studio
Place Joannès Ambre 69004 Lyon
Réservations : 04 72 00 84 63
Tarifs : 8 / 12 euros.

Au tournant du 20ème siècle, sur la scène d’un célèbre café-concert, la chanteuse Thérésa fait ses adieux. Dans sa loge, celle qui fut surnommée « la diva du ruisseau » porte un regard rétrospectif sur sa carrière et se remémore avec nostalgie le temps des goguettes, ces sociétés chantantes où après leur journée de travail, les ouvriers se mêlaient aux artistes pour se détendre, boire, s’amuser et « pousser leur cri ». Car dans ces lieux de la parole improvisée, on chante des chansons connues, mais on en crée également de nouvelles, immédiatement mises en musique et en voix sur des airs populaires. On y évoque l’actualité sociale, dans une ambiance festive où le théâtre de la vie quotidienne s’exprime en convivialité.
Entre fiction et réalité, des ouvriers de l’époque turbulente des années 1830 et des travailleurs d’aujourd’hui se côtoient autour de la première idole de la chanson française.

Création de la Compagnie du Chien Jaune
Ecriture et mise en scène Valérie Zipper
Comédiens : Emilie Canonge, Denis Déon, Gilles Fisseau, Julie Morel et Aurélien Serre
Compositeur/musicien : François Thollet
Adaptation musicale : Jean-Yves Auchère.
Régies son et lumière : Christophe Allègre et Antoine Garcia.


MERCREDI 23 NOVEMBRE
Et pourtant la canuse rit… et Guignol était là
Conférence humoristique – entrée libre – 19h
Maison des Canuts
10-12 rue d'Ivry 69004 Lyon

Toute la ville travaille pour la soie : de l’apprenti au Canut, du gareur au rondier.
Dans les familles, chacun se démangogne à sa tâche ; les fenottes s’acquittent de leur ouvrage, doivent tenir leur cambuse, préparer le manger, laver le linge à la plate et s’occuper des gones… mais si nos ouvrières gongonnent, elles n’en sont pas moins généreuses. Le tumulte est sans précédent : Et pourtant la canuse rit…et Guignol était là !

Par Gérard Truchet, président de la République des Canuts et président des Amis de Lyon et de Guignol.


JEUDI 24 NOVEMBRE
La révolte des Canuts et l'auto-organisation ouvrière
Conférence – entrée libre – 19h
Lieu : CEDRATS - M.-M. Derrion
27 montée Saint-Sébastien 69001 Lyon

Pendant un peu plus d’un siècle l’émergence des différentes classes ouvrières a été capable d’affirmer un autre devenir de la société, entièrement fondée sur la libre auto-organisation des forces du mouvement ouvrier. La révolte et les modes d’existence des canuts en sont une des premières grandes manifestations qui, en dépit (ou à cause) de sa brièveté, fournit des indications précieuses pour comprendre toutes les autres expériences qui ont suivi et, plus généralement, le type de société dont le mouvement ouvrier a été un moment porteur.

Militant libertaire et membre du collectif qui anime la librairie La Gryffe, Daniel Colson enseigne la sociologie à l’Université de Saint-Etienne.


VENDREDI 25
Vivre dignement de son travail : entre 1831 et 2011, quelles évolutions ?
Ateliers participatifs - inscription par mail : compagnie@chienjaune.eu - 18h30
Maison des Associations du 4e arrondissement de Lyon
28 Denfert-Rochereau 69004 Lyon

Pour cette édition, un nouveau mode de participation est proposé au public sous la forme d’ateliers afin de conduire ensemble une réflexion sur le devenir de la valeur-travail :
En 1831, la révolte des canuts s’est construite autour d’un mot d’ordre : «Vivre dignement de son travail ! » Que vivaient les canuts à cette époque pour se regrouper et envahir l’Hôtel de Ville en novembre 1831 ? Aujourd’hui, presque 200 ans après, que signifie la résurgence d’une revendication autour du droit à un travail décent ? Selon le Bureau International du travail (BIT), la croissance globale de l’économie a de plus en plus de mal à se traduire par de nouveaux emplois de bonne qualité. Après un éclairage sur les grandes évolutions en France des conditions d’emploi et de travail sur les 20 dernières années, nous inviterons les participants à échanger à partir de leurs expériences personnelles et à débattre sur ce que signifie pour chacun aujourd’hui «de vivre dignement de son travail».

En partenariat avec Aravis (Agence Rhône-Alpes pour la Valorisation de l’Innovation Sociale et l’Amélioration des conditions de Travail).
Animateur : Hervé Chaygneaud-Dupuy (responsable du Pôle Gouvernance à Synergence).
Avec : Robert Luc (« historien » de la Croix-Rousse) et Colette Desbois (chargée de mission Aravis).


SAMEDI 26
L’esprit de révolte dans les traditions des luttes régionales
Conférence – entré libre – 14h30
Lieu : Bourse du travail – Salle Maurice Moissonnier (3ème étage)
Place Guichard 69003 Lyon

Depuis la révolte des canuts de nombreuses luttes régionales ont marqué l’histoire de notre région. Cet « esprit de révolte » où on retrouve quelquefois la référence aux canuts s’est traduit sous diverses formes. L’histoire de ces luttes sera aussi l’occasion de mettre en lumière les hommes et femmes qui en furent les acteurs.

Par Roger Gay - Secrétaire général de l’Institut Régional Cgt d’Histoire Sociale.


DIMANCHE 27 NOVEMBRE
Clôture – entrée libre - 12h30
Lieu : Collectif La Machine
Rue Justin Godart 69004 Lyon.

Temps de convivialité réunissant les principaux acteurs de cette édition de Novembre des Canuts.










Autour de Novembre des Canuts

Bambanes à l’attention du public scolaire
Ces visites urbaines commentées permettent de mieux comprendre la Fabrique et l’apport social des canuts. Elles sont organisées en amont de la déambulation théâtrale et musicale pour conduire les élèves sur les lieux de la révolte et les familiariser avec le contexte historique.
Lundi 14, mardi 15, jeudi 17 et vendredi 18 - renseignements au 06.18.19.47.65 ou par mail : robert.luc2@wanadoo.fr

Jeu de piste pour les enfants du Centre social Pernon
Une soixantaine d’enfants du Centre social Pernon participeront pendant Novembre des Canuts à un jeu de piste coordonné par Robert Luc autour des noms de rues de la Croix-Rousse correspondant à des personnages historiques lyonnais (Dangon, Bouchon, Bournes...). Leurs découvertes seront enuite restituées par le biais d’une exposition au Centre social.






Novembre des Canuts 2011 a bénéficié du soutien de :
La ville de Lyon, les Mairies des 1er et 4e arrondissements de Lyon, la Région Rhône-Alpes, Le Département du Rhône, le Grand Lyon.
Le collectif Novembre des Canuts et Clément Peretjatko.
Le Théâtre de la Croix-Rousse, le Collectif La Machine, la Bibliothèque Municipale, Les Archives Municipales, librairie La Gryffe, la Maison des Canuts, le CEDRATS, Les Musées Gadagne, ARAVIS, l’Eglise ST Denis, le Centre Social Pernon et le Cifa Saint-Denis.

mercredi 21 septembre 2011

Combien de métiers occupés en 1833

Pour 1833 le préfet Gasparin donne les nombres suivants en sachant que l'intitulé est :
combien les fabricants d'étoffes de soie occupent de métier :

Lyon : 16 857
Croix-Rousse : 6 259
Guillotière : 2 300
Vaise : 1 020
L'Arbresle : 1 020
Tarare : 1 170

mercredi 7 septembre 2011

Tissage : les inventions ne s’arrêtent jamais

En 1887 la Chambre de commerce de Lyon accorde des primes pour de petits perfectionnements d’outillage intéressant l’industrie de la soie. Ces perfectionnements qui seront constants pendant le XIXème siècle, ne sont pas le fruit du travail d’inventeurs patentés, de centres de recherches industriels mais sont dus à des chefs d’atelier et des ouvriers tisseurs. En échange de ces primes, les inventeurs consentent à les abandonner au domaine public. C’est pourquoi la presse va publier les adresses de ces canuts comme le fait La Tribune qui se qualifie d’organe de la démocratie Radicale.
GUERIN tisseur 4 rue de la Terrasse (perfectionnement dans le chasse-navette des métiers à tisser).
LESPINASSE tisseur 5 rue Bodin (perfectionnement dans la mécanique dite marcheuse pour la fabrication à la lève et à la baisse des étoffes de soie).
TISSOT tisseur 4 place Belfort (place Bertone) (perfectionnement apporté au tissage des armures à la lève et à la baisse).
JUS tisseur 7 rue des Gloriettes (J. Soulary) (invention d’un rabot pour le tissage des velours perlés).
MICHAUD tisseur 6 rue Rivet (perfectionnement apporté au battant marcheur).
ROSSAT fabricant de navette avenue des Tapis (avenue Cabias) (invention d’un tampia automatique).

lundi 5 septembre 2011

Le budget d’un fabricant d’étoffe de soie en 1831

Le député Fulchiron déclare à la chambre des députés le 19 décembre 1831 que « ce n’était pas la misère qui avait poussé les ouvriers de Lyon, puisque les plus minces journées étaient de 28 à 32 sous et que quelques ouvriers touchaient jusqu’à 5 frs. par jour. » L’Echo de la Fabrique en réponse à ces déclarations fait état d’un budget annuel type pour un atelier de tissage de soie.
En ce qui concerne l’ouvrier :
Il faut compter pour la matière première (petit gros de Naples, dit d’Allemagne par exemple) de 55 à 60 c. l’aune (1,18 mètre) pour le chef d’atelier qui propriétaire des métiers fournit les harnais, accessoire et loge les ouvriers. Par jour un bon ouvrier fait 4 aunes et le chef d’atelier paye la moitié du prix à ce dernier. L’ouvrier gagne donc dans ce cas de figure 1 fr 20 c. Il faut déduire les jours de fêtes, les dimanches et le temps perdu pour manque de matières : au moins 80 jours. Il reste 280 jours à 1 fr 20 par jour soit un total de 336 frs par an ce qui donne à peu près 89 c par jour.
En ce qui concerne le chef d’atelier :
Supposons qu’il soit possesseur de trois métiers. Quelle est son bénéfice sur deux métiers occupés par des ouvriers ? Quel est le produit du sien qu’il fait mouvoir ?
Les frais à la charge du chef d’atelier :
Au plieur pour une pièce de gros de Naples : 0 fr 60 c.
Pour remettage ou torsage : 3 frs
Pour dévidage des trames, terme moyen, pour une pièce de 100 aunes à 20 grs : Par aune 2 000 grs à 4 frs les 1 000 : 8 frs.
Pour cannetage à 5c par aune : 5 frs
Pour l’usure des harnais, remisses, navettes etc… 5 frs
Total : 221 frs 60
Pour le tissage de 100 aunes à l’ouvrier : 30 frs
Dépenses : 51 frs 60
La pièce de 100 aunes, au prix du tarif à 60 c se monte à 60 frs
Reste de bénéfice au chef d’atelier 8 fr 40 c
Ainsi un chef d’atelier a, d’après le tarif, 8 c par aune.
Bénéfice de 2 métiers travaillant toute l’année : 178 f 80
Produit net du métier que le chef d’atelier fait mouvoir : 425 frs 40
Total : 604 frs 20 c soit 1 frs 68 par jour

Dans ce calcul n’entre pas le loyer, le chauffage, des vêtements

mercredi 31 août 2011

La solidarité croix-roussienne continue !

Nous avions, ici même, fait état de cette solidarité qui s’était manifestée à l’occasion d’une vente aux enchères à l’encontre d’un canut. Cette action qui avait empêché que les biens de l’ouvrier disparaissent, se situait en octobre 1835. Et bien en août 1836, même combat et même résultat.
« Un des dernier jours de la semaine passée, la place Sathonay présentait une physionomie tout-à-fait inaccoutumée.
Le vieux corps de garde, veuf de ses hôtes depuis longtemps, était rempli de soldats ; deux compagnies de militaires stationnaient aux débouchés de la place ; on se demandait si notre préfet appréhendait par hasard la proclamation de quelque constitution ; si M. Dupasquier avait découvert une nouvelle conspiration de crochets ; si la Croix-Rousse descendait en arme sur l’Hôtel de Ville…
C’était en effet la Croix-Rousse qui descendait, mais voici pourquoi :
Un propriétaire de ladite ville, voulant faire vendre les meubles d’un de ses locataires, ouvrier en soie, n’avait pas cru prudent de faire procéder à cette opération à la Croix-Rousse même, et avait indiqué à l’huissier, la place Sathonay. Pour plus de sécurité encore, il réclama au préfet l’octroi de deux compagnies de soldats, ce qui lui fut gracieusement accordé. La charrette chargée de meubles du malheureux ouvrier arrive sur la place, mais escortée par une foule de compagnons, qui entourent les meubles et forment une barrière insurmontable aux personnes étrangères. L’opération commence ; une commode est mise aux enchères au prix de 15 frs ; mais personne n’enchérissant et n’achetant à ce prix, l’huissier descend de 25 centimes en 25 centimes jusqu’à 10 sous ; la commode est adjugée à 10 sous. Ainsi du reste. De sorte que le ménage du pauvre locataire, dont la valeur était bien de 200 frs, a rapporté au propriétaire la somme de 4 Fr. 50 c. Les meubles ont été aussitôt rechargés sur la même charrette qui les avait amenés et reconduits à la Croix-Rousse aux yeux de la foule battant des mains, et des soldats riant eux-mêmes dans leur barbe. »

Rixes entre jeune à la vogue…en 1838

La presse se fait écho des bagarres qui ont lieu lors des vogues entre bandes de jeunes.
« Dimanche, une rixe a eu lieu entre des jeunes de la Croix-Rousse et d’autres jeunes gens de Caluire, à propos de la vogue. La force armée a été obligée d’intervenir, et plusieurs militaires ont été assaillis à coups de pierres. Cependant, grâce à l’énergie des soldats, le calme a été bientôt rétabli. Plusieurs jeunes gens des plus mutins ont été arrêtes et mis sous la main de la justice. »

mardi 30 août 2011

La solidarité entre canuts

En octobre 1835 eu lieu la vente sur la place de la Croix-Rousse, au profit du fisc, du mobilier d’un ouvrier en soie. C’en était assez pour mettre la police en émoi. Trois commissaires présents ! Pour rien ! Le piquet de cent hommes est resté silencieux et n’a pas manifesté le désir de faire une émeute. Les canuts se sont bornés à restituer au pauvre propriétaire qu’on allait déposséder au nom de la loi, tous les meubles saisis. Une voix mettait l’enchère et l’huissier avait beau employer son éloquence, personne ne faisait mine de surenchérir. Ainsi une commode a été vendue 3 sous, toute la vaisselle cinq sous etc… A la fin le pauvre ouvrier s’est retrouvé, pour une somme tout à fait minime, en possession de son mobilier.
Source : Le Réparateur octobre 1835

lundi 29 août 2011

L’image des canuts et de la Croix-Rousse

En 1852 va paraître un livre écrit par un jeune écrivain Francis Linossier (1826-1895). Il n’a que vingt-six ans, il est né à St Uze dans la Drôme mais ce roman intitulé Les Mystères de Lyon témoigne d’une grande connaissance de la ville et sera énormément lu, devenant une référence. Un roman mais qu’il faudrait mieux qualifier de tableau de Lyon… romancé. C’est un mélange adroit de vérités historiques et de sentiments suggestifs ayant parfois un lointain rapport avec la réalité. L’inconvénient est de croire que tout ce qui est écrit est vrai. Et l’histoire des tisseurs de soie, l’histoire de la Croix-Rousse sont sans aucun doute les exemples de cette dérive. Ce n’est pas sans conséquence et l’on peut penser que la multiplication de ces ouvrages, de ces types de récits ont conduit à cette image brouillée des canuts qui est souvent aujourd’hui, au mieux une image folklorique ou romantiquement révolutionnaire, au pire une image d’acteurs d’une période qu’il faut mieux cacher et oublier pour ne garder que les produits commerciaux qui ont fait la réputation de Lyon. Les extraits de ce livre peuvent amener à une réflexion pouvant éclairer quelques contradictions en ce qui concerne le regard porté sur les canuts mais aussi des écrits que certains ne craignent pas de reprendre aujourd’hui.
« … La Croix-Rousse est uniquement peuplée d’ouvriers en soie. Depuis le lever jusqu’au coucher du soleil on n’y entend que le bruit monotone et régulier du battant frappant l’étoffe. C’est une immense ruche dans laquelle chacun travaille, dans les proportions de ses forces et de son âge ; point de paresse, car la paresse c’est la misère, le besoin et la faim, qui conduisent à l’hôpital et à la charité.
Parfois dans ces commotions politiques qui ébranlent le monde (…) la Croix-Rousse une masse noire et armée.
D’où vient ce peuple en guenille ? Quels sont ces truands aux regards sinistres, ces Huns à la peau jaune et rance, hurlant des refrains cyniques, de profundis chanté sur tout pouvoir qui se meurt ?
Les habitants de la Croix-rousse justifient-ils la triste réputation que lui fait la presse dans le monde ?
C’est une erreur.
Il y a deux populations : la première se compose d’ouvriers laborieux, honnêtes, ayant leur famille, leur maison, leur intérieur ; la seconde se compose de cette population flottante d’étrangers venus en grande partie du Piémont, de la Savoie et de la Suisse, espèces de bohêmes n’ayant ni feu ni lieu, aimant le désordre, parce que le désordre c’est le pillage ; ne redoutant pas la mort, parce que leur vie est inutile à eux et aux autres ; génies malfaisants, soufflant les idées du mal à celui qui patient, subit les douleurs des tristes jours en attendant un avenir meilleur.
Si les émeutes n’avaient pas pour instigateurs les mauvais, elles n’auraient pas pour auxiliaires le nombre immense de ceux qui souffrent ; supprimer les premiers, vous réduirez les seconds à l’impuissance, car ils écouteront la voix qui leur parlera, et avant de prendre le fusil, une bonne pensée leur viendra au cœur, ils déposeront leurs armes et resteront honnêtes.
La Croix-Rousse n’est pas le rocher de Sisyphe, que Lyon repousse toujours et qui retombe toujours ; c’est un champ où l’ivraie est mêlée au blé, arrachez l’ivraie et il n’y aura plus que le blé utile. »
Francis Linossier qui fut rédacteur en chef du Salut Public, après un exposé remarquable sur l’organisation de la Fabrique, revient sur les hommes qui la compose.
« … Aussi à mon avis, le compagnon est la lèpre de la Croix-Rousse, il est l’esprit mauvais, le conseiller infernal prêchant l’émeute, se jetant à corps perdu dans toutes les idées politiques qui flattent son amour-propre et tentent sa cupidité. – Viennent ces jours funestes où par une de ces circonstances imprévues le commerce est brusquement arrêté, le compagnon se trouve dans l’impossibilité matérielle de vivre, ses bénéfices minimes suffisant à ses dépenses journalières, n’ayant pas pu lui permettre de se préparer quelques ressources pour les moments de chômage, que fera-t-il ? - Retourner dans son pays serait le parti le plus sage, et c’est précisément parce qu’il est le plus sage qu’il ne prend pas. – Seul, isolé, livré à lui-même, jeune sans expérience, il est condamné à l’oisiveté et l’oisiveté est toujours le vice.
Voilà où est le mal. – Mais le remède ? – Le remède est facile, qu’une loi interdise aux étrangers sans ressource de s’établir à Lyon ; l’hospitalité est une vertu noble et grande, cependant elle a ses limites, elle ne doit pas être dangereuse pour ceux qui l’offrent. – En rendant plus difficile l’établissement des nouveaux venus, on favorisera les véritables travailleurs, et on donnera à l’agriculture les bras qui lui manquent ; car l’émigration part de la campagne, elle se recrute parmi les paysans avides de jouissances de la grande ville, et qui, paresseux, espèrent de plus beaux résultats d’un travail moins grand.
De ce mode de vie, de ces rapports journaliers entre le compagnon et la compagnonne, vient le libertinage. La religion, le décorum, ce pavillon protecteur, qui dans le monde élevé soutient la vertu, n’existe pas dans la classe ouvrière : le mariage est quelquefois le résultat de ces liaisons, mais il n’est pas à cour sur le but.
Le type le plus laid et le plus repoussant est celui du lanceur.*
Enfant corrompu, au langage cynique, il a une maîtresse il fume, il joue au billard ; il est l’habitué le plus fidèle des bastringues ; - dans les émeutes il marche au premier rang, il se bat pour se battre ; et dans les sinistre époques de 1834, plus d’un soldat est tombé sous la balle meurtrière d’un de ces gamins vicieux et méchants.
*Le lanceur est un enfant de dix à douze ans que l’ouvrier en soierie emploie pour lancer la navette, dans les étoffes telle que les châles, trop larges pour qu’un homme seul puisse, en étendant les bras, faire aller lui-même la navette. »

mardi 23 août 2011

A propos de la mairie de la Croix-Rousse

En septembre 1868, la construction de l’actuelle mairie du 4ème arrondissement s’achève. L’occasion pour un journaliste du Refusé- par ailleurs journal anticlérical- de faire de l’humour :
« L’Hôtel-Mairie de la Croix-Rousse va bientôt être terminé.
Le toit a été livré aux couvreurs cette semaine et les travaux d’agencement intérieurs se poursuivent avec une grande activité.
O mon Dieu ! si on allait faire l’inauguration avant que j’ai trouvé une épouse !
J’offre trois sous – c’est sérieux – à celui qui me procurera immédiatement une femme afin que je puisse me faire inscrire sans retard et obtenir d’être marié le premier – c’est mon rêve – dans cette superbe mairie !
Vite, hâtons-nous ! Il peut surgir des concurrents ! »

lundi 22 août 2011

La Croix-Rousse : « La montagne sacrée de Lyon. »

Depuis le 10 décembre 1848, jour où Louis Napoléon Bonaparte devient président de la seconde République, on ne se fait guère d’illusions : les Républicains de Lyon pressentent que la révolution de février 1848, après l’échec de l’insurrection ouvrière de juin, ne pourra pas réaliser leurs espérances. Pourtant ils continuent à y croire. Ainsi le 26 février 1849 a lieu le « Banquet commémoratif de la Révolution de février ». 8 000 citoyens participent à cette fête. Le journal Le Républicain du 27 février publie un article dans lequel on peut remarquer combien la Croix-Rousse était importante aux yeux de ces Républicains. Quelques extraits :
« …Aussi de bonne heure de nombreuses colonnes populaires se dirigeaient vers le lieu du banquet dont les portes leur étaient ouvertes à onze heure. »… « Le fond était surmonté d’une statue de la liberté peinte en grisaille et autour de laquelle flottait un drapeau portant ce mot : Amnistie. Les inscriptions suivants décoraient la partie inférieurs ; Aux martyres de l’Egalité ! Aux captifs modernes ! Sur des flammes rouges étaient inscrits ces noms chers aux peuples : Cracovie, Messine, Bologne, Florence.
Au dedans de la tribune, à droite on lisait : Organisation du crédit – Développement progressif du principe d’association. A gauche : Droit au travail – Abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme. Au milieu une montagne peinte en noir, simulait la Croix-Rousse ; elle était surmontée de trois étoiles et de ces mots : A la délivrance des Peuples !
Sur cet emblème de la montagne sacrée de Lyon, flottait le drapeau de la Société des Travailleurs Unis, et à côté le drapeau des Voraces et de la société de l’Union. »

vendredi 19 août 2011

Les mûriers de la Croix-Rousse

Pourquoi ne pas planter, au cœur même de la commune qui tisse, les arbres indispensables aux vers à soie ? Ainsi le maire de la Croix-Rousse met en adjudication la plantation de 440 pieds de mûriers sur la promenade des Tapis en 1826. L’Echo de l’Univers, journal de Littérature, Sciences et Arts, et de Commerce, en profite pour lancer un appel : « Nous profitons de cette occasion pour recommander la culture de ces arbres précieux qui servent à la nourriture et à la propagation des insectes, dont la riche dépouille constitue la matière première de nos intéressantes fabriques. Nous désirons que l’exemple de la Croix-Rousse trouve de nombreux imitateurs. »

« Le génie du fisc » à la Croix-Rousse

Comment trouver de l’argent ? Les collectivités locales, les Etats ne manquent pas d’imagination. Et déjà on pouvait lire dans de journal L’Echo de l’Univers de 1824 l’article suivant :
« Le génie du fisc augmente tous les jours ses conquêtes. Le maire de la Croix-Rousse met aux enchères la location des places occupées, par quelques cabanes de rissoleurs de marrons. Nous n’avions pas cru que ces misérables dussent un tribut d’argent à l’autorité municipale. Si les améliorations sont quelquefois ajournées, on ne regarde jamais du moins les moyens d’accroître le nombre des petits impôts de localité. »

jeudi 18 août 2011

Les travailleurs de la Croix-Rousse en décembre 1848

La veille de l’élection de Louis Napoléon Bonaparte le 10 décembre 1848 on peut lire la pétition suivante :
Citoyen préfet,
Les soussignés, travailleurs de la Croix-Rousse, considérant que la réédification des forts intérieurs est une preuve de la méfiance que le Gouvernement a envers la population, si ce n’est toutefois un insolent défi jeté à la face des démocrates ;
Considérant que la République a condamné la tyrannie de Louis Philippe en ordonnant en mars dernier la démolition des forts ;
Considérant que la Croix-Rousse étant une ville éminemment démocratique, ces forts intérieurs sont inutiles à un gouvernement républicain ;
Considérant qu’il répugne de croire que le Gouvernement soit à la tête de la réaction pour légitimer la réélévation des forts.
Les citoyens travailleurs de la Croix-Rousse, viennent vous poser les questions suivantes ;
1° Le Gouvernement est-il républicain ?
2° Le Gouvernement est-il réactionnaire ?
Répondez, citoyen préfet.
Pour nous quelque soit votre réponse à l’une de ces deux questions, nous protestons et protesterons en usant de dernier droit pacifique des citoyens, celui de pétitionner.

Vive la République ! !

mercredi 17 août 2011

Découverte macabre dans l’église Saint-Denis à la Croix-Rousse


Le 6 avril 1848 le journal Le Peuple Souverain reprend du Censeur un article sur une étrange affaire :

« Aujourd’hui règne à la Croix-Rousse une vive agitation par suite d’une découverte faite dans l’église. Le bruit s’était répandu que des armes étaient cachées dans cette église, et MM. Galerne et Chaumont, escortés des citoyens qui veuillent en ce moment au maintient de l’ordre public, les Voraces, s’y sont transportés lundi soir vers 9 heures pour faire une perquisition. Les recherches ont bientôt commencé, avec le plus grand ordre, dans toutes les dépendances de l’église. On a soulevé quelques dalles, et bientôt se sont offerts aux regards une grande qualité de cercueils, le plus grand nombre en état de parfaite conservation. M. Chapot, médecin, a été aussitôt invité par M. Galerne à se transporter sur les lieux. Trois caveaux ont été ainsi reconnus entièrement pleins de cercueils entassés pêle-mêle.
M. le docteur Chapot, accompagné de MM. Les magistrats de la Croix-Rousse et de M. Galerne, reconnait facilement des squelettes parfaitement intacts, dépouillés de leurs chairs, dont quelques-uns de jeunes filles conservaient encore de beaux cheveux blonds. Quant à leur nombre, il est impossible de l’évaluer pour le moment car ils sont empilés depuis le sol jusqu’aux voutes, mais on est au-dessous de la vérité en le fixant au moins à trois cents. Ce qu’il y a de positif, c’est ces cadavres, dont les plus récents remontent au moins à cinquante ans, ont été, il y a quelques années jetés sans ordre dans les caves, lors de la reconstruction de l’église. Deux vicaires présents, ainsi que le sacristain, n’ont pu, de reste, donner aucun renseignement.
Hier matin à huit heures, le même médecin s’est transporté de nouveau à l’église, accompagné de M. Chanay, commissaire du gouvernement près le tribunal ; il a trouvé M. le commissaire de police de la Croix-Rousse, M. le maire Auberthier, l’architecte de l’église et ses deux confrères les docteurs Bastide et Duviard. Ils ont été unanimes à reconnaître que tous ces corps avaient été inhumés avant la première révolution. Ainsi rien n’est plus faux que ce bruit qui a une tendance à se propager, savoir, que ces corps proviendraient des maisons Denis et Collet, seraient le résultat de crimes et auraient été portés furtivement dans ces caves pour que les auteurs puissent échapper à l’action de la justice.
Un rapport du commissaire de la Croix-Rousse, accompagné d’une expertise médico-légale des docteurs Chapot, Duviard et Bastide, finira de dissiper tous les doutes sur cette affaire ténébreuse en apparence, mais simple dans le fond. »

Il y a urgence pour un hôpital à la Croix-Rousse

La construction de l’Hôpital de la Croix-Rousse commencera en 1855 pour s’achever en 1861. Pourtant il en était question depuis très longtemps. A propos du décès d’un ouvrier en soie pendant son transport, long et malaisé, de la Croix-Rousse à l’Hôtel Dieu, le journal Le Censeur constate dans son édition du 19 juin 1841 : « ce fait est d’autant plus triste et douloureux à enregistrer qu’il accuse un état de choses dont la durée remonte assez loin dans le temps, car il se mesure à l’existence de la Croix-Rousse. » Il rappelle que de nombreuses voix se sont élever pour dénoncer cet état de fait et notamment celle du docteur Perrot (orthographié dans l’article Perraud) « un honorable médecin appelé dans l’exercice de son art, à reconnaître tout ce qu’il y avait de gravement fâcheux pour les nombreux ouvriers qui composent presque toute entière la population de la Croix-Rousse. » Il avait d’ailleurs légué en mourant une somme assez considérable et des immeubles à vendre afin que l’argent serve à créer un hospice. « Et bien ! Le vœu du testateur est encore à réaliser » s’insurge le quotidien qui ajoute que « la noble et généreuse pensée de M. Perraud n’a pas encore été fécondée par les diverses administrations qui ont pris part au gouvernement des affaires de la populeuse et intéressant cité. » Le Censeur dresse un tableau intéressant des canuts de 1841 :
« On se saurait penser sans amertume qu’une population éminemment laborieuse, qui consume sa vie en un labeur toujours pénible, trop souvent ingrat, et qui s’élève aujourd’hui à plus de vingt mille âmes, n’est pas même pourvue d’un hospice où puissent s’abriter ceux que qui la dureté des temps n’a laissé que la gêne et la misère pour compagnons de vieillesse, et ceux à qui, en l’absence de toute justice distributive la charité publique est obligée de venir en aide, lorsque, saisis par le mal, ils perdent avec le travail les faibles ressources qui les font vivre au jour le jour. Oui, là où vingt mille travailleurs s’emploient à la fabrication des tissus si magnifiques et si variés qui ont fait et qui assurent à la ville de Lyon, en face de la concurrence de l’Europe entière, sa fortune, sa gloire, sa renommée ; là où chaque jour la soie s’apprête à former tour à tour les parures élégantes et les somptueux ornements que nous voyons s’étaler, ruisselants d’or, dans les temples aux cérémonies religieuses, là il y a, pour prix, des ouvriers chaque jour exposés à mourir sur la route de l’hôpital. »

mardi 16 août 2011

La vogue et les jeux de hasard : la Croix-Rousse bonne élève !


Les stands présentés lors des fêtes baladoires ont toujours fait l’objet de critiques. Aujourd’hui notamment beaucoup de Croix-Roussiens pensent qu’il y a trop de jeux de hasard, pinces ou autres moyens de faire rêver le chaland. Ce n’est pas nouveau. Ainsi dans le Censeur du 14 octobre 1841 on peut lire :
« Nous nous sommes élevé dans les premiers jours du mois de septembre dernier à l’occasion de la fête baladoire de la Guillotière, contre la tolérance des jeux de hasard qui ne manquent pas dans ces sortes de fêtes de s’étaler en plain soleil, alléchant par une foule de moyens plus ou moins entachés d’escroquerie les joueurs et les dupes qui perdent parfois des sommes considérables.
Ces jeux qui d’ailleurs sont défendus par la loi, devraient partout sévèrement défendus par l’autorité municipale.
On a remarqué avec satisfaction dimanche à la fête baladoire de Saint-Denis à la Croix-Rousse l’absence totale de ces jeux dont l’autorité municipale n’a point voulu permettre l’exercice. C’est la première fois que cette mesure est appliquée, et il est juste de compter que M. le maire persistera à l’avenir dans cette sage et salutaire détermination.
Nous espérons que cet exemple ne sera pas perdu pour les administrateurs des communes voisines et que nous n’aurons plus à nous élever contre la tolérance pernicieuse accordée jusqu’ici à ces coupables industriels. »

jeudi 11 août 2011

Ah les tunnels lyonnais !

« …On dit que c’était pour Lyon une question de vie ou de mort ; car à partir de la plaine de Collonges, ou bien le chemin se dirigeait sur Lyon, ou bien il en quittait la direction ; c’est une erreur qu’il est facile de démontrer. Un des projets arrive à Gorge-de-Loup et, au moyen du tunnel sous Fourvières, débouche dans la presqu’ile Perrache, devenue Lyon depuis que les barrières d’octroi ont été placées à la Mulatière ; l’autre tracé arrive par un tunnel sous la Croix-Rousse, dans une commune voisine il est vrai, mais bien plus rapprochée du centre de la ville de Lyon et qui n’en est séparée que par le Rhône. On ne peut donc soutenir sans jouer sur les mots, que l’un des deux tracés laisse Lyon de côté. »

Bien sûr il est question là des chemins…de fer mais l’intervention du conseiller municipal Bergier nous montre que les préoccupations des élus du XIXème siècle ne sont pas si éloignées des nôtres. En effet ce compte-rendu d’une séance de conseil municipal est à lire dans le quotidien LE CENSEUR du 17 avril…1845 !

mercredi 10 août 2011

Pour mieux connaître les négociants d’étoffe de soie

En 1846 a eu lieu une vente aux enchères des objets mobiliers et marchandises provenant de la maison de soierie Caille et Lempereur déclarée en faillite. C’est l’occasion de mieux connaître l’intérieur des maisons de soierie de cette époque.
« …mercredi huit avril à dix heures du matin au domicile sus indiqué (2 place Croix-Pâquet) il sera procédé, par le ministère d’un commissaire –priseur, à la vente aux enchères de quatre belles banques en noyer, deux paires de balance, bureau en sapin, quantité de bobines et roquets, battants en cuivre et acier pour les velours, quantité de peignes et remisses, cartes d’échantillons, ourdissoirs garnis de leurs accessoires, quantité de bobines garnies de soie cuite et crue de diverses nuances, chaîne en soie, levées, cotons filés, coupons de marchandises en velours, meubles meublants, bois de lits garnis, secrétaire et commode à dessus de marbre, table de nuit, table à manger, poêle, chaises, etc… »

mardi 19 juillet 2011

Paroles de Canuts

« Que la France sache enfin que ce n’est point le pillage et la détestation qui les ont fait agir ».
A propos de la révolte de novembre 1831 L’Echo de la Fabrique du 27 novembre 1831

« Quand dans le quartier des Capucins depuis qu’on a vu la conduite généreuse des industriels, on dit pour signaler un homme vertueux : il a le cœur d’un ouvrier. »
L’Echo de la Fabrique du 27 novembre 1831

« On félicitait un ouvrier de ce qu’il n’avait pas été blessé dans les trois journées ; Parbleu, répondit-il, les négociants nous avaient tellement fait maigrir qu’ils ne pouvaient plus nous ajuster ! »
L’Echo de la Fabrique du 27 novembre 1831

« Je ne donnerai pas une pièce à la Croix-Rousse, elle n’est peuplée que de racailles. »
Un négociant. Propos rapportés par l’Echo de la Fabrique du 11 décembre 1831

« Ce n’est pas une aumône qu’ils sollicitent, c’est de l’ouvrage et le salaire raisonnable de cet ouvrage. »
L’Echo de la Fabrique du 25 décembre 1831

« Ils veulent vivre non pas en oisifs pour qui les dons du passants ou des maisons de charité sont le plus souvent un aliment à la fainéantise ; ils veulent vivre, mais vivre en travaillant. »
L’Echo de la Fabrique du 25 décembre 1831

« Les ouvriers avaient sollicité une amélioration à leur sort et on leur a envoyé le ministre de la guerre, 26 000 hommes de garnison, des canons etc… Sensible amélioration !
L’Echo de la Fabrique du 25 décembre 1831

« Sur tous les murs de notre ville on lisait en tête des affiches : Ministère de la guerre ! Que n’y lisait-on plutôt : Ministère des finances ou du commerce et des travaux publics ! »
L’Echo de la Fabrique du 25 décembre 1831

« La colère entre les ouvriers et les négociants est-elle apaisée ? Et certes oui, depuis qu’on les a désarmés. »
L’Echo du 25 décembre 1831

« Nous souhaitons au député qui prétend que l’ouvrier peut vivre avec 18 sous par jour qu’il prenne pour lui cette somme et donne le superflu de ses revenus aux malheureux dont-il n’a pas craint de mettre en doute la misère. »
Echo de la Fabrique du 1 janvier 1832

« Un prince a dit : « Les intérêts des uns doivent être les intérêts des autres. » Les ouvriers sont toujours les « uns » quand sauront-ils donc les autres ? »
L’Echo de la Fabrique en 1832

« Un prince a dit : « Le fabricant et l’ouvrier ne doivent faire qu’un ! C’est fort bien ! Pourvu que ce ne soit pas quand l’un aura mangé l’autre. »
L’Echo de la Fabrique en 1832

« Quand on dit à un égoïste que les ouvriers se meurent de faim, il répond : « Ce ne sont pas ceux-là qui se plaignent. »
L’Echo de la Fabrique 1832

« L’homme n’est point né pour vivre isolé. Le premier besoin de son enfance est de chercher une société. »
D’un système d’association entre les chefs d’atelier et ouvriers en soie. Echo de la Fabrique de 1832

« C’est par les peuples que se sont opérées les révolutions : les unes dans l’intérêt des grands hommes, dont la gloire avait ébloui les masses ; les autres pour conquérir la liberté. »
Echo de la Fabrique d’avril 1831

« Un canut demande s’il a le droit de récuser son juge, lorsque celui-ci récuse la loi. »
A propos de conseil des Prud’hommes. Echo de la Fabrique de juillet 1832

« L’assiette de l’impôt est vicieuse. Le pauvre paie proportionnellement plus que le riche, chacun le comprend et le dit ; chacun sent qu’il faut changer de route et cependant tous crient haro lorsqu’on parle d’innovation. »
L’Echo de la Fabrique en 1832

« La liberté de la presse est, dans une civilisation perfectionnée, la base de toutes les institutions sociales et politiques, c’est un droit qui renferme tous les autres, les résume et les garantit tous. »
L’Echo de la Fabrique 1833

« De qui les guerres dévorent-elles le sang, si ce n’est celui de prolétaires ? Le temps des conquêtes est passé et la plus belle qui reste à faire, c’est de mettre en rapport tous les peuples. »
Sur l’Europe des peuples. L’Echo de la Fabrique en 1833

« Pourquoi, tandis que des capitalistes, des négociants, des armateurs se réunissant en société sous le nom de compagnies pour opérer avec leurs capitaux, des chefs d’ateliers, des ouvriers ne pourraient-ils pas se réunir pour opérer avec leurs faibles ressources ? »
L’Echo de la Fabrique 1833

« Vous l’avez dit : les travailleurs ne peuvent améliorer leur sort que par une association toute fraternelle. Leurs intérêts sont les même. Loin de se haïr, ils doivent s’aider mutuellement. »
Les ouvriers en soie de Lyon à leurs frères les tailleurs de pierre 1833

« Le faisceau qui lie les classes laborieuses, créé presque hier, est aujourd’hui indissoluble : produit de progrès des Lumières, fondé sur un droit incontestable, celui d’associations, il se corrobore par le temps et se maintiendra par la justice et la morale. »
L’Echo de la Fabrique en 1833

« De tant de faisceaux séparés ne formons qu’un seul faisceau : les travailleurs ne peuvent améliorer leur sort que par une association toute fraternelle. Puisse votre exemple amener enfin le professions se donner la main. »
Les ouvriers tailleurs de pierre aux ouvriers en soie. L’Echo de la Fabrique du 12 mai 1833

« Les chefs d’atelier élevèrent un autel à l’union des travailleurs ; ils fondèrent le mutuellisme qui fut définitivement constitué le 28 juin 1828. »
L’Echo de la Fabrique en 1833

« Le remède à l’exploitation des classes laborieuses, par un petit nombre d’hommes, se fera attendre encore longtemps ; il ne peut arriver que lentement et à mesure que la raison gagnera du terrain sur la cupidité. »
L’Echo de la Fabrique 1833

« Il appartient surtout de dire combien nous trouvons noble et belle la pansée qui les a ainsi poussées à travailler à l’émancipation de leur sexe. »
A propos de Mme Niboyet. Echo de la Fabrique en 1833

« Ainsi l’ouvrière que la misère et l’exemple n’ont pas corrompue doit travailler toute sa vie, vivre les plus dures privations, et au milieu de cette lutte entre le malheur et l’infamie, voir arriver des infirmités précoces, une vieillesse anticipée. »
Jane Dubuisson dans l’Echo de la Fabrique en 1833

« La cause de la femme n’est-elle pas toute entière dans le progrès de l’humanité ? C’est à nous, prolétaires féminins, qu’appartient la large part des misères humaines, des droits faussés, méconnus. »
Une abonnée à l’Echo de la Fabrique en 1833

« A nous la plainte et l’espoir d’un meilleur avenir ! Quel a été notre sort jusqu’à ce jour ? Quel est notre partage, que sommes nous, nous, la moitié du genre humain. »
Une lectrice de l’Echo de la Fabrique en 1833

« Dans notre civilisation tant vantée, nous sommes de grands enfants que tout à tour l’on caresse et l’on opprime. »
Une abonnée de l’Echo de la Fabrique en 1833

« On demandait à un homme de loi pourquoi il y aurait neuf prud’hommes marchands et seulement huit ouvriers. C’est, répondit-il, pour qu’il y ait autant de raison d’un côté que de l’autre. »
A propos de conseils de Prud’hommes. L’Echo de la Fabrique en 1832

« Est-il juste que deux enfants nés le même jour, à la même heure, l’un soit condamné aux ténèbres de l’ignorance, aux douleurs de la misère, tandis que l’autre jouira des bienfait de l’instruction, des enchantements de la richesse ? »
Réflexions prolétaires dans l’Echo de la Fabrique de 1832

« Jésus-Christ dit bien au faible de souffrir l’injure du fort ; au pauvre de supporter le dédain du riche, mais il ne prévoit pas le cas où le pauvre et le faible ne voudront plus supporter le dédain et l’injure »
L’Echo de la Fabrique en 1833

« Intitulez-vous hautement Journal des Canuts, on rira d’abord, ensuite on s’y accoutumera ; ce nom deviendra aussi noble que celui de banquier, médecin, avocat etc… et vous aurez fait un acte de haute sagesse. »
Labory, chef d’atelier, dans l’Echo de la Fabrique à propos du concours pour changer le mot canut

« Ainsi la première nécessité est l’établissement d’une jurisprudence fixe pour décider, d’une manière uniforme toutes les questions qui se présentaient. »
Dans l’Echo de 1832 à propos des Prud’hommes

« Dormez en paix, victimes de novembre ! Que la terre vous soit légère ! Votre sang a fécondé le sol où doit croître l’arbre de l’émancipation des prolétaires… »
Extrait de la première page de l’Echo de la Fabrique du dimanche 25 novembre 1832

« Messieurs, vous êtes appelés à être chefs de commerce un jour ; ainsi je ne saurais trop vous recommander la sévérité envers les ouvriers : ce n’est qu’en les tenant ferme, qu’on vient à bout de ces gens-là. C’est homme qui sort, est honnête, intelligents et laborieux, mais raisonneur et insolent ; dès lors il st urgent de s’en débarrasser au plus tôt. »
Propos d’un négociant à ses commis, recueillis par l’Echo de la Fabrique en 1832

« Vous avez fait citer six membres du conseil exécutif de l’association des Mutuellismes en raison des événement de février ; Nous sommes aussi bien qu’eux et nous venons à ce titre réclamer notre part de solidarité afin que nous puissions nous retrouver sur les bancs des accusés avec nos frères. »
Extrait de la lettre signée par 20 mutuellistes et envoyée au procureur du roi en 1834

« Sous l’application de la loi contre les associations, votée naguère par la Chambre des Députés, adoptée par celle des Pairs et enfin sanctionnée par le roi vous avez compris que désormais les travailleurs cesseront de pouvoir se réunir et se concerter. »
L’Echo de la Fabrique le 20 avril 1834, dernier numéro

« Si maintenant on porte plus haut ses regards, on voit la grande famille des travailleurs sortir de l’état d’ilotisme où l’avait enchaînée de barbares préjugés et l’avidité criminelle de quelques uns et mettre en terme à la honteuse exploitation de l’homme par l’homme. »
L’Echo de la Fabrique du 9 février 1834

« On voit la grande famille des travailleurs traiter d’égale à égale avec les capitalisme, forcer enfin le législateur à écrire dans ses codes une égalité réelle, à conférer aux travailleurs les droits politique et arriver au gouvernement du peuple par le peuple. »
L’Echo de la Fabrique du 9 février 1834

« Considérant que l’association des travailleurs est une nécessité de notre époque, qu’il est pour eux une condition d’existence, que toutes les lois qui y porteraient atteinte auraient pour effet immédiat de les livrer sans défense à l’égoïsme et à la rapacité de ceux qui les exploitent. »
Extrait de la protestation des mutuellistes signée par 2544 sociétaires en 1834

« L’enterrement d’un chef d’atelier mutuelliste est l’occasion d’un déploiement de force et d’une menace indirecte adressée au pouvoir. Huit mille ouvriers ferrandiniers et mutuellistes compose le cortège funèbre. »
Récit de JB Monfalcon sur le dimanche 6 avril 1834

« C’est moi aussi qui proposai d’inscrire sur le drapeau des ouvriers ces mots qui sont devenus fameux depuis : VIVRE EN TRAVAILLANT OU MOURIR EN COMBATTANT. »
Extrait de : Confession d’un malheureux ; Vie de Jean-Claude Romand publié par Edouard Servan de Sugny en 1846

« Que l’on ne l’oublie pas et les travailleurs l’ont bien compris : tous ceux arrivent à quelque titre que ce soit sur le terrain de la production, tous ceux qui contribuent à la richesse publique, soit avec le rabot, la bêche ou la navette, tous ceux-là sont frères et leurs intérêts sont identiquement liés. »
Echo de l’Industrie journal des intérêts des travailleurs de la Fabrique Lyonnais de 1845

« Parler de la pluie et du beau temps, est-ce parler politique ? Oui parce que la pluie et ensuite le beau temps, cela veut dire…. »
L’Echo de la Fabrique d’octobre 1832

« A l’union de tous les industriels !* » Labory chef d’atelier prud’hommes
« A l’industrie ! A ses bienfaits ! » Falconnet chef d’atelier prud’hommes
« Aux travailleurs ! » Maisonneuve commis-négociant
Toast portés lors du banquet d’anniversaire de la fondation de l’Echo de la Fabrique le 28 octobre 1832
*industriels : autre mots pour désigné les ouvriers (NDLR)

« Au bonheur prochain du prolétaire ! » Berger chef d’atelier gérant de l’Echo
« A la prospérité de l’Echo de la Fabrique ! » Blanc chef d’atelier
« Au courage civil ! » Marius Chastaing rédacteur en chef de l’Echo
« A l’égalité sociale » Jacob chef d’atelier
« A l’instruction répandue jusques dans les dernière classes du peuple ! » Alexandre Bret rédacteur au Précurseur
Toast portés lors du banquet d’anniversaire de la fondation de l’Echo de la Fabrique

« A l’émancipation des classes industrielles ! » Martinon chef d’atelier prud’homme
« A la destruction des abus de la fabrique ! » Legras chef d’atelier
« A l’émancipation des prolétaires ! » Barreaud teneur de livre
« Aux droits et aux devoirs des industriels travailleurs ! » Vernay chef d’atelier
« A la libre défense devant le conseil des prud’hommes ! » Sigaud chef d’atelier
Toast portés lors du banquet d’anniversaire de la fondation de l’Echo de la Fabrique

« A la prospérité à venir du commerce ! A l’amélioration du sort de la classe ouvrière ! Au gouvernement qui protégera ce nouvel ordre social ! » Buffard plieur d’étoffe de soie
« A l’union des travailleurs ! » Bofferding chef d’atelier
« A la concorde ! » Bouvery chef d’atelier
Toast portés lors du banquet d’anniversaire de la fondation de l’Echo de la Fabrique