mercredi 31 août 2011

La solidarité croix-roussienne continue !

Nous avions, ici même, fait état de cette solidarité qui s’était manifestée à l’occasion d’une vente aux enchères à l’encontre d’un canut. Cette action qui avait empêché que les biens de l’ouvrier disparaissent, se situait en octobre 1835. Et bien en août 1836, même combat et même résultat.
« Un des dernier jours de la semaine passée, la place Sathonay présentait une physionomie tout-à-fait inaccoutumée.
Le vieux corps de garde, veuf de ses hôtes depuis longtemps, était rempli de soldats ; deux compagnies de militaires stationnaient aux débouchés de la place ; on se demandait si notre préfet appréhendait par hasard la proclamation de quelque constitution ; si M. Dupasquier avait découvert une nouvelle conspiration de crochets ; si la Croix-Rousse descendait en arme sur l’Hôtel de Ville…
C’était en effet la Croix-Rousse qui descendait, mais voici pourquoi :
Un propriétaire de ladite ville, voulant faire vendre les meubles d’un de ses locataires, ouvrier en soie, n’avait pas cru prudent de faire procéder à cette opération à la Croix-Rousse même, et avait indiqué à l’huissier, la place Sathonay. Pour plus de sécurité encore, il réclama au préfet l’octroi de deux compagnies de soldats, ce qui lui fut gracieusement accordé. La charrette chargée de meubles du malheureux ouvrier arrive sur la place, mais escortée par une foule de compagnons, qui entourent les meubles et forment une barrière insurmontable aux personnes étrangères. L’opération commence ; une commode est mise aux enchères au prix de 15 frs ; mais personne n’enchérissant et n’achetant à ce prix, l’huissier descend de 25 centimes en 25 centimes jusqu’à 10 sous ; la commode est adjugée à 10 sous. Ainsi du reste. De sorte que le ménage du pauvre locataire, dont la valeur était bien de 200 frs, a rapporté au propriétaire la somme de 4 Fr. 50 c. Les meubles ont été aussitôt rechargés sur la même charrette qui les avait amenés et reconduits à la Croix-Rousse aux yeux de la foule battant des mains, et des soldats riant eux-mêmes dans leur barbe. »

Rixes entre jeune à la vogue…en 1838

La presse se fait écho des bagarres qui ont lieu lors des vogues entre bandes de jeunes.
« Dimanche, une rixe a eu lieu entre des jeunes de la Croix-Rousse et d’autres jeunes gens de Caluire, à propos de la vogue. La force armée a été obligée d’intervenir, et plusieurs militaires ont été assaillis à coups de pierres. Cependant, grâce à l’énergie des soldats, le calme a été bientôt rétabli. Plusieurs jeunes gens des plus mutins ont été arrêtes et mis sous la main de la justice. »

mardi 30 août 2011

La solidarité entre canuts

En octobre 1835 eu lieu la vente sur la place de la Croix-Rousse, au profit du fisc, du mobilier d’un ouvrier en soie. C’en était assez pour mettre la police en émoi. Trois commissaires présents ! Pour rien ! Le piquet de cent hommes est resté silencieux et n’a pas manifesté le désir de faire une émeute. Les canuts se sont bornés à restituer au pauvre propriétaire qu’on allait déposséder au nom de la loi, tous les meubles saisis. Une voix mettait l’enchère et l’huissier avait beau employer son éloquence, personne ne faisait mine de surenchérir. Ainsi une commode a été vendue 3 sous, toute la vaisselle cinq sous etc… A la fin le pauvre ouvrier s’est retrouvé, pour une somme tout à fait minime, en possession de son mobilier.
Source : Le Réparateur octobre 1835

lundi 29 août 2011

L’image des canuts et de la Croix-Rousse

En 1852 va paraître un livre écrit par un jeune écrivain Francis Linossier (1826-1895). Il n’a que vingt-six ans, il est né à St Uze dans la Drôme mais ce roman intitulé Les Mystères de Lyon témoigne d’une grande connaissance de la ville et sera énormément lu, devenant une référence. Un roman mais qu’il faudrait mieux qualifier de tableau de Lyon… romancé. C’est un mélange adroit de vérités historiques et de sentiments suggestifs ayant parfois un lointain rapport avec la réalité. L’inconvénient est de croire que tout ce qui est écrit est vrai. Et l’histoire des tisseurs de soie, l’histoire de la Croix-Rousse sont sans aucun doute les exemples de cette dérive. Ce n’est pas sans conséquence et l’on peut penser que la multiplication de ces ouvrages, de ces types de récits ont conduit à cette image brouillée des canuts qui est souvent aujourd’hui, au mieux une image folklorique ou romantiquement révolutionnaire, au pire une image d’acteurs d’une période qu’il faut mieux cacher et oublier pour ne garder que les produits commerciaux qui ont fait la réputation de Lyon. Les extraits de ce livre peuvent amener à une réflexion pouvant éclairer quelques contradictions en ce qui concerne le regard porté sur les canuts mais aussi des écrits que certains ne craignent pas de reprendre aujourd’hui.
« … La Croix-Rousse est uniquement peuplée d’ouvriers en soie. Depuis le lever jusqu’au coucher du soleil on n’y entend que le bruit monotone et régulier du battant frappant l’étoffe. C’est une immense ruche dans laquelle chacun travaille, dans les proportions de ses forces et de son âge ; point de paresse, car la paresse c’est la misère, le besoin et la faim, qui conduisent à l’hôpital et à la charité.
Parfois dans ces commotions politiques qui ébranlent le monde (…) la Croix-Rousse une masse noire et armée.
D’où vient ce peuple en guenille ? Quels sont ces truands aux regards sinistres, ces Huns à la peau jaune et rance, hurlant des refrains cyniques, de profundis chanté sur tout pouvoir qui se meurt ?
Les habitants de la Croix-rousse justifient-ils la triste réputation que lui fait la presse dans le monde ?
C’est une erreur.
Il y a deux populations : la première se compose d’ouvriers laborieux, honnêtes, ayant leur famille, leur maison, leur intérieur ; la seconde se compose de cette population flottante d’étrangers venus en grande partie du Piémont, de la Savoie et de la Suisse, espèces de bohêmes n’ayant ni feu ni lieu, aimant le désordre, parce que le désordre c’est le pillage ; ne redoutant pas la mort, parce que leur vie est inutile à eux et aux autres ; génies malfaisants, soufflant les idées du mal à celui qui patient, subit les douleurs des tristes jours en attendant un avenir meilleur.
Si les émeutes n’avaient pas pour instigateurs les mauvais, elles n’auraient pas pour auxiliaires le nombre immense de ceux qui souffrent ; supprimer les premiers, vous réduirez les seconds à l’impuissance, car ils écouteront la voix qui leur parlera, et avant de prendre le fusil, une bonne pensée leur viendra au cœur, ils déposeront leurs armes et resteront honnêtes.
La Croix-Rousse n’est pas le rocher de Sisyphe, que Lyon repousse toujours et qui retombe toujours ; c’est un champ où l’ivraie est mêlée au blé, arrachez l’ivraie et il n’y aura plus que le blé utile. »
Francis Linossier qui fut rédacteur en chef du Salut Public, après un exposé remarquable sur l’organisation de la Fabrique, revient sur les hommes qui la compose.
« … Aussi à mon avis, le compagnon est la lèpre de la Croix-Rousse, il est l’esprit mauvais, le conseiller infernal prêchant l’émeute, se jetant à corps perdu dans toutes les idées politiques qui flattent son amour-propre et tentent sa cupidité. – Viennent ces jours funestes où par une de ces circonstances imprévues le commerce est brusquement arrêté, le compagnon se trouve dans l’impossibilité matérielle de vivre, ses bénéfices minimes suffisant à ses dépenses journalières, n’ayant pas pu lui permettre de se préparer quelques ressources pour les moments de chômage, que fera-t-il ? - Retourner dans son pays serait le parti le plus sage, et c’est précisément parce qu’il est le plus sage qu’il ne prend pas. – Seul, isolé, livré à lui-même, jeune sans expérience, il est condamné à l’oisiveté et l’oisiveté est toujours le vice.
Voilà où est le mal. – Mais le remède ? – Le remède est facile, qu’une loi interdise aux étrangers sans ressource de s’établir à Lyon ; l’hospitalité est une vertu noble et grande, cependant elle a ses limites, elle ne doit pas être dangereuse pour ceux qui l’offrent. – En rendant plus difficile l’établissement des nouveaux venus, on favorisera les véritables travailleurs, et on donnera à l’agriculture les bras qui lui manquent ; car l’émigration part de la campagne, elle se recrute parmi les paysans avides de jouissances de la grande ville, et qui, paresseux, espèrent de plus beaux résultats d’un travail moins grand.
De ce mode de vie, de ces rapports journaliers entre le compagnon et la compagnonne, vient le libertinage. La religion, le décorum, ce pavillon protecteur, qui dans le monde élevé soutient la vertu, n’existe pas dans la classe ouvrière : le mariage est quelquefois le résultat de ces liaisons, mais il n’est pas à cour sur le but.
Le type le plus laid et le plus repoussant est celui du lanceur.*
Enfant corrompu, au langage cynique, il a une maîtresse il fume, il joue au billard ; il est l’habitué le plus fidèle des bastringues ; - dans les émeutes il marche au premier rang, il se bat pour se battre ; et dans les sinistre époques de 1834, plus d’un soldat est tombé sous la balle meurtrière d’un de ces gamins vicieux et méchants.
*Le lanceur est un enfant de dix à douze ans que l’ouvrier en soierie emploie pour lancer la navette, dans les étoffes telle que les châles, trop larges pour qu’un homme seul puisse, en étendant les bras, faire aller lui-même la navette. »

mardi 23 août 2011

A propos de la mairie de la Croix-Rousse

En septembre 1868, la construction de l’actuelle mairie du 4ème arrondissement s’achève. L’occasion pour un journaliste du Refusé- par ailleurs journal anticlérical- de faire de l’humour :
« L’Hôtel-Mairie de la Croix-Rousse va bientôt être terminé.
Le toit a été livré aux couvreurs cette semaine et les travaux d’agencement intérieurs se poursuivent avec une grande activité.
O mon Dieu ! si on allait faire l’inauguration avant que j’ai trouvé une épouse !
J’offre trois sous – c’est sérieux – à celui qui me procurera immédiatement une femme afin que je puisse me faire inscrire sans retard et obtenir d’être marié le premier – c’est mon rêve – dans cette superbe mairie !
Vite, hâtons-nous ! Il peut surgir des concurrents ! »

lundi 22 août 2011

La Croix-Rousse : « La montagne sacrée de Lyon. »

Depuis le 10 décembre 1848, jour où Louis Napoléon Bonaparte devient président de la seconde République, on ne se fait guère d’illusions : les Républicains de Lyon pressentent que la révolution de février 1848, après l’échec de l’insurrection ouvrière de juin, ne pourra pas réaliser leurs espérances. Pourtant ils continuent à y croire. Ainsi le 26 février 1849 a lieu le « Banquet commémoratif de la Révolution de février ». 8 000 citoyens participent à cette fête. Le journal Le Républicain du 27 février publie un article dans lequel on peut remarquer combien la Croix-Rousse était importante aux yeux de ces Républicains. Quelques extraits :
« …Aussi de bonne heure de nombreuses colonnes populaires se dirigeaient vers le lieu du banquet dont les portes leur étaient ouvertes à onze heure. »… « Le fond était surmonté d’une statue de la liberté peinte en grisaille et autour de laquelle flottait un drapeau portant ce mot : Amnistie. Les inscriptions suivants décoraient la partie inférieurs ; Aux martyres de l’Egalité ! Aux captifs modernes ! Sur des flammes rouges étaient inscrits ces noms chers aux peuples : Cracovie, Messine, Bologne, Florence.
Au dedans de la tribune, à droite on lisait : Organisation du crédit – Développement progressif du principe d’association. A gauche : Droit au travail – Abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme. Au milieu une montagne peinte en noir, simulait la Croix-Rousse ; elle était surmontée de trois étoiles et de ces mots : A la délivrance des Peuples !
Sur cet emblème de la montagne sacrée de Lyon, flottait le drapeau de la Société des Travailleurs Unis, et à côté le drapeau des Voraces et de la société de l’Union. »

vendredi 19 août 2011

Les mûriers de la Croix-Rousse

Pourquoi ne pas planter, au cœur même de la commune qui tisse, les arbres indispensables aux vers à soie ? Ainsi le maire de la Croix-Rousse met en adjudication la plantation de 440 pieds de mûriers sur la promenade des Tapis en 1826. L’Echo de l’Univers, journal de Littérature, Sciences et Arts, et de Commerce, en profite pour lancer un appel : « Nous profitons de cette occasion pour recommander la culture de ces arbres précieux qui servent à la nourriture et à la propagation des insectes, dont la riche dépouille constitue la matière première de nos intéressantes fabriques. Nous désirons que l’exemple de la Croix-Rousse trouve de nombreux imitateurs. »

« Le génie du fisc » à la Croix-Rousse

Comment trouver de l’argent ? Les collectivités locales, les Etats ne manquent pas d’imagination. Et déjà on pouvait lire dans de journal L’Echo de l’Univers de 1824 l’article suivant :
« Le génie du fisc augmente tous les jours ses conquêtes. Le maire de la Croix-Rousse met aux enchères la location des places occupées, par quelques cabanes de rissoleurs de marrons. Nous n’avions pas cru que ces misérables dussent un tribut d’argent à l’autorité municipale. Si les améliorations sont quelquefois ajournées, on ne regarde jamais du moins les moyens d’accroître le nombre des petits impôts de localité. »

jeudi 18 août 2011

Les travailleurs de la Croix-Rousse en décembre 1848

La veille de l’élection de Louis Napoléon Bonaparte le 10 décembre 1848 on peut lire la pétition suivante :
Citoyen préfet,
Les soussignés, travailleurs de la Croix-Rousse, considérant que la réédification des forts intérieurs est une preuve de la méfiance que le Gouvernement a envers la population, si ce n’est toutefois un insolent défi jeté à la face des démocrates ;
Considérant que la République a condamné la tyrannie de Louis Philippe en ordonnant en mars dernier la démolition des forts ;
Considérant que la Croix-Rousse étant une ville éminemment démocratique, ces forts intérieurs sont inutiles à un gouvernement républicain ;
Considérant qu’il répugne de croire que le Gouvernement soit à la tête de la réaction pour légitimer la réélévation des forts.
Les citoyens travailleurs de la Croix-Rousse, viennent vous poser les questions suivantes ;
1° Le Gouvernement est-il républicain ?
2° Le Gouvernement est-il réactionnaire ?
Répondez, citoyen préfet.
Pour nous quelque soit votre réponse à l’une de ces deux questions, nous protestons et protesterons en usant de dernier droit pacifique des citoyens, celui de pétitionner.

Vive la République ! !

mercredi 17 août 2011

Découverte macabre dans l’église Saint-Denis à la Croix-Rousse


Le 6 avril 1848 le journal Le Peuple Souverain reprend du Censeur un article sur une étrange affaire :

« Aujourd’hui règne à la Croix-Rousse une vive agitation par suite d’une découverte faite dans l’église. Le bruit s’était répandu que des armes étaient cachées dans cette église, et MM. Galerne et Chaumont, escortés des citoyens qui veuillent en ce moment au maintient de l’ordre public, les Voraces, s’y sont transportés lundi soir vers 9 heures pour faire une perquisition. Les recherches ont bientôt commencé, avec le plus grand ordre, dans toutes les dépendances de l’église. On a soulevé quelques dalles, et bientôt se sont offerts aux regards une grande qualité de cercueils, le plus grand nombre en état de parfaite conservation. M. Chapot, médecin, a été aussitôt invité par M. Galerne à se transporter sur les lieux. Trois caveaux ont été ainsi reconnus entièrement pleins de cercueils entassés pêle-mêle.
M. le docteur Chapot, accompagné de MM. Les magistrats de la Croix-Rousse et de M. Galerne, reconnait facilement des squelettes parfaitement intacts, dépouillés de leurs chairs, dont quelques-uns de jeunes filles conservaient encore de beaux cheveux blonds. Quant à leur nombre, il est impossible de l’évaluer pour le moment car ils sont empilés depuis le sol jusqu’aux voutes, mais on est au-dessous de la vérité en le fixant au moins à trois cents. Ce qu’il y a de positif, c’est ces cadavres, dont les plus récents remontent au moins à cinquante ans, ont été, il y a quelques années jetés sans ordre dans les caves, lors de la reconstruction de l’église. Deux vicaires présents, ainsi que le sacristain, n’ont pu, de reste, donner aucun renseignement.
Hier matin à huit heures, le même médecin s’est transporté de nouveau à l’église, accompagné de M. Chanay, commissaire du gouvernement près le tribunal ; il a trouvé M. le commissaire de police de la Croix-Rousse, M. le maire Auberthier, l’architecte de l’église et ses deux confrères les docteurs Bastide et Duviard. Ils ont été unanimes à reconnaître que tous ces corps avaient été inhumés avant la première révolution. Ainsi rien n’est plus faux que ce bruit qui a une tendance à se propager, savoir, que ces corps proviendraient des maisons Denis et Collet, seraient le résultat de crimes et auraient été portés furtivement dans ces caves pour que les auteurs puissent échapper à l’action de la justice.
Un rapport du commissaire de la Croix-Rousse, accompagné d’une expertise médico-légale des docteurs Chapot, Duviard et Bastide, finira de dissiper tous les doutes sur cette affaire ténébreuse en apparence, mais simple dans le fond. »

Il y a urgence pour un hôpital à la Croix-Rousse

La construction de l’Hôpital de la Croix-Rousse commencera en 1855 pour s’achever en 1861. Pourtant il en était question depuis très longtemps. A propos du décès d’un ouvrier en soie pendant son transport, long et malaisé, de la Croix-Rousse à l’Hôtel Dieu, le journal Le Censeur constate dans son édition du 19 juin 1841 : « ce fait est d’autant plus triste et douloureux à enregistrer qu’il accuse un état de choses dont la durée remonte assez loin dans le temps, car il se mesure à l’existence de la Croix-Rousse. » Il rappelle que de nombreuses voix se sont élever pour dénoncer cet état de fait et notamment celle du docteur Perrot (orthographié dans l’article Perraud) « un honorable médecin appelé dans l’exercice de son art, à reconnaître tout ce qu’il y avait de gravement fâcheux pour les nombreux ouvriers qui composent presque toute entière la population de la Croix-Rousse. » Il avait d’ailleurs légué en mourant une somme assez considérable et des immeubles à vendre afin que l’argent serve à créer un hospice. « Et bien ! Le vœu du testateur est encore à réaliser » s’insurge le quotidien qui ajoute que « la noble et généreuse pensée de M. Perraud n’a pas encore été fécondée par les diverses administrations qui ont pris part au gouvernement des affaires de la populeuse et intéressant cité. » Le Censeur dresse un tableau intéressant des canuts de 1841 :
« On se saurait penser sans amertume qu’une population éminemment laborieuse, qui consume sa vie en un labeur toujours pénible, trop souvent ingrat, et qui s’élève aujourd’hui à plus de vingt mille âmes, n’est pas même pourvue d’un hospice où puissent s’abriter ceux que qui la dureté des temps n’a laissé que la gêne et la misère pour compagnons de vieillesse, et ceux à qui, en l’absence de toute justice distributive la charité publique est obligée de venir en aide, lorsque, saisis par le mal, ils perdent avec le travail les faibles ressources qui les font vivre au jour le jour. Oui, là où vingt mille travailleurs s’emploient à la fabrication des tissus si magnifiques et si variés qui ont fait et qui assurent à la ville de Lyon, en face de la concurrence de l’Europe entière, sa fortune, sa gloire, sa renommée ; là où chaque jour la soie s’apprête à former tour à tour les parures élégantes et les somptueux ornements que nous voyons s’étaler, ruisselants d’or, dans les temples aux cérémonies religieuses, là il y a, pour prix, des ouvriers chaque jour exposés à mourir sur la route de l’hôpital. »

mardi 16 août 2011

La vogue et les jeux de hasard : la Croix-Rousse bonne élève !


Les stands présentés lors des fêtes baladoires ont toujours fait l’objet de critiques. Aujourd’hui notamment beaucoup de Croix-Roussiens pensent qu’il y a trop de jeux de hasard, pinces ou autres moyens de faire rêver le chaland. Ce n’est pas nouveau. Ainsi dans le Censeur du 14 octobre 1841 on peut lire :
« Nous nous sommes élevé dans les premiers jours du mois de septembre dernier à l’occasion de la fête baladoire de la Guillotière, contre la tolérance des jeux de hasard qui ne manquent pas dans ces sortes de fêtes de s’étaler en plain soleil, alléchant par une foule de moyens plus ou moins entachés d’escroquerie les joueurs et les dupes qui perdent parfois des sommes considérables.
Ces jeux qui d’ailleurs sont défendus par la loi, devraient partout sévèrement défendus par l’autorité municipale.
On a remarqué avec satisfaction dimanche à la fête baladoire de Saint-Denis à la Croix-Rousse l’absence totale de ces jeux dont l’autorité municipale n’a point voulu permettre l’exercice. C’est la première fois que cette mesure est appliquée, et il est juste de compter que M. le maire persistera à l’avenir dans cette sage et salutaire détermination.
Nous espérons que cet exemple ne sera pas perdu pour les administrateurs des communes voisines et que nous n’aurons plus à nous élever contre la tolérance pernicieuse accordée jusqu’ici à ces coupables industriels. »

jeudi 11 août 2011

Ah les tunnels lyonnais !

« …On dit que c’était pour Lyon une question de vie ou de mort ; car à partir de la plaine de Collonges, ou bien le chemin se dirigeait sur Lyon, ou bien il en quittait la direction ; c’est une erreur qu’il est facile de démontrer. Un des projets arrive à Gorge-de-Loup et, au moyen du tunnel sous Fourvières, débouche dans la presqu’ile Perrache, devenue Lyon depuis que les barrières d’octroi ont été placées à la Mulatière ; l’autre tracé arrive par un tunnel sous la Croix-Rousse, dans une commune voisine il est vrai, mais bien plus rapprochée du centre de la ville de Lyon et qui n’en est séparée que par le Rhône. On ne peut donc soutenir sans jouer sur les mots, que l’un des deux tracés laisse Lyon de côté. »

Bien sûr il est question là des chemins…de fer mais l’intervention du conseiller municipal Bergier nous montre que les préoccupations des élus du XIXème siècle ne sont pas si éloignées des nôtres. En effet ce compte-rendu d’une séance de conseil municipal est à lire dans le quotidien LE CENSEUR du 17 avril…1845 !

mercredi 10 août 2011

Pour mieux connaître les négociants d’étoffe de soie

En 1846 a eu lieu une vente aux enchères des objets mobiliers et marchandises provenant de la maison de soierie Caille et Lempereur déclarée en faillite. C’est l’occasion de mieux connaître l’intérieur des maisons de soierie de cette époque.
« …mercredi huit avril à dix heures du matin au domicile sus indiqué (2 place Croix-Pâquet) il sera procédé, par le ministère d’un commissaire –priseur, à la vente aux enchères de quatre belles banques en noyer, deux paires de balance, bureau en sapin, quantité de bobines et roquets, battants en cuivre et acier pour les velours, quantité de peignes et remisses, cartes d’échantillons, ourdissoirs garnis de leurs accessoires, quantité de bobines garnies de soie cuite et crue de diverses nuances, chaîne en soie, levées, cotons filés, coupons de marchandises en velours, meubles meublants, bois de lits garnis, secrétaire et commode à dessus de marbre, table de nuit, table à manger, poêle, chaises, etc… »